L’avenir de la terre : qu’en dit la Bible ?
Alors que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) continue de nous alerter à propos des conséquences actuelles et à venir des changements climatiques, de la nécessité de maintenir le réchauffement climatique en-deçà de la barre des 1,5°C, et de l’insuffisance des adaptations mises en œuvre jusqu’à présent, la question suivante se fait de plus en plus pressante : quelle terre après nous ?
Pour l’Église, l’enjeu est également théologique. Quelle responsabilité l’Écriture reconnaît-elle à l’être humain dans le soin de la terre ? Quel regard la Bible porte-t-elle sur l’héritage du monde pour les générations à venir ? En quoi l’œuvre accomplie par le Christ ainsi que son règne sur le monde déplacent-ils notre regard venir de la terre et de l’humanité avec elle ?
REGARDER À CHRIST ET À SON ŒUVRE
Face à la crise écologique, la tentation est grande d’oublier que toute notre vie est fondée sur une Bonne Nouvelle qui est au centre du message biblique : Jésus-Christ est Seigneur ! Et cette Bonne Nouvelle ne se situe pas comme « à côté » de la situation du monde, c’est une proclamation qui est faite sur le monde, dans le monde et pour le monde.
En effet, l’œuvre de Jésus-Christ ne consiste pas à sauver des âmes pour leur donner accès à une vie « spirituelle » désincarnée (sans corps) hors du monde. Bien au contraire, « en lui, tout a été créé dans les cieux et sur la terre, (…) tout a été créé par lui et pour lui », « c’est en lui que tout se tient », et c’est encore par lui, « par le sang de sa croix », qu’il a plu à Dieu « de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux » (Col 1.16-17, 19-20).
Par sa mort, sa résurrection et son règne sur le monde présent et à venir, Jésus a racheté la création de « l’esclavage du périssable » pour qu’elle participe « à la liberté glorieuse des enfants de Dieu » (Rm 8.21). La création n’est donc pas vouée à être abandonnée entre les griffes de la corruption et de la mort, introduites dans le monde par la désobéissance d’Adam et Ève. Au contraire, lors du retour du Christ, la terre sera renouvelée, radicalement transformée, et le Seigneur y établira son trône. L’espérance chrétienne n’est pas une fuite au ciel, mais la venue en personne du Dieu trine sur terre (Ap 21-22).
UN HÉRITAGE ACQUIS
Dans cette perspective, la terre est un héritage promis aux croyants. Pour Paul, ce n’est d’ailleurs pas seulement Canaan qui avait été promis en héritage à Abraham, mais bien « le monde », sans limite géographique (voir Rm 4.13). Cet héritage a été acquis par le Christ, nouvel Adam, et il nous est promis à nous qui sommes de la descendance d’Abraham par la foi, unis au Christ par l’Esprit (voir le lien entre Rm 8.15-17 et 18-25).
Cette nouvelle est une excellente nouvelle ! L’héritage est garanti par le Christ, et par son œuvre déjà accomplie. La terre sera renouvelée, nous y vivrons et y régnerons avec le Christ (Ap 1.6 ; 5.10 ; 22.5), cela est certain. Avoir une telle espérance, ce n’est pas nier les souffrances réelles que subissent aujourd’hui la création et les êtres humains qui y habitent, mais c’est avoir confiance que rien n’empêchera le projet de salut de Dieu de se réaliser, y compris pour le monde.
DEUX ÉCUEILS ÉVITÉS
Cette perspective de l’héritage de la terre garanti par le Seigneur permet à mon avis d’éviter deux écueils dans lesquels la crise écologique peut facilement nous conduire. L’évitement du premier (l’éco-anxiété) est assez évident, celui du second est a priori paradoxal (l’irresponsabilité).
ÉCO-ANXIÉTÉ
Quelle terre laisserons-nous aux générations futures ? Cette question est résolue par le Christ. À tous ceux qui ont mis leur confiance en lui, l’héritage de la terre renouvelée, là où il n’y aura plus ni larme, ni souffrance, ni injustice, est assuré. Quel encouragement plus puissant que celui-là face à une situation qui a tout pour nous faire sombrer dans le désespoir ?
À nouveau, il ne s’agit pas de nier la difficulté de la situation présente. Paul lui-même n’élude pas la souffrance de la création lorsqu’il promet cet avenir glorieux. Il écrit : « Or nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’accouchement. Bien plus, nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption filiale, la rédemption de notre corps. » (Rm 8.22-23). Mais le fait que cet avenir glorieux soit certain est une assurance que rien ne peut arriver qui puisse mettre en péril cet héritage du monde à venir. Quelle terre après nous ? Ultimement, celle que le Christ a rachetée par son sacrifice à la croix. L’engagement écologique chrétien peut donc se fonder sur une confiance certaine bien plus que sur une angoisse suscitée par la question de l’avenir du monde.
IRRESPONSABILITÉ
Le deuxième écueil évité par l’espérance chrétienne est celui d’une attitude irresponsable face à la crise écologique. L’évitement de ce deuxième écueil semble a priori paradoxal. En effet, si le Christ renouvellera le monde lors de son retour et que l’héritage de la terre nous est assuré quoi qu’il arrive, alors à quoi bon faire tous nos efforts pour prendre soin du monde présent ?
En réalité, la vie chrétienne pourrait être envisagée comme un signe du projet de salut de Dieu. Nous sommes invités à refléter qui Dieu est et ce qu’il va faire, par notre manière de vivre, par nos paroles, par nos engagements en faveur du prochain et de la création. Paul le montre bien dans sa première lettre aux Corinthiens sur la question du rapport au corps. Puisque le Seigneur est pour le corps (1Co 7.13) et qu’il réveillera nos corps mortels lors de son retour (1Co 15), nous devons dès aujourd’hui être les signes de ce projet de salut de Dieu pour le corps. En conséquence, les croyants ne s’uniront pas au corps d’une prostituée (1Co 6.15-16), sans pour autant diaboliser le corps et la sexualité (1Co 7.25).
De la même manière, les chrétiens sont appelés à être les signes du projet de restauration du monde dans la relation qu’ils entretiennent avec la création présente. L’irresponsabilité, sous prétexte que Dieu transformera le monde, est donc exclue. À la manière de Jérémie qui achète un champ avant l’exil pour signifier qu’on « achètera encore des maisons, des champs et des vignes dans ce pays » (Jr 32.15), les chrétiens prendront soin de cette terre, non pas tant pour la « sauver », mais plutôt pour rendre un témoignage vivant, en paroles et en actes, du projet de salut de Dieu. « Ainsi, mes frères et sœurs bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, progressez toujours dans l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail, dans le Seigneur, n’est pas inutile. » (1Co 15.58)