Voyage en Ukraine

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Parti d’Alsace le 18 février, un convoi de Partir Offrir de 14 véhicules a acheminé 20 tonnes d’alimentation et d’hygiène à Kremenchuk et à Zaporijia, en Ukraine. Michel Eglin était du voyage, il raconte…

L’opportunité d’accompagner un convoi humanitaire en Ukraine s’est présentée en décembre 2023 par l’invitation de Pascal Graber, président de Partir Offrir. J’ai fait ma demande de passeport et le départ a eu lieu le 18 février. 14 fourgons chargés de 20 tonnes de nourriture et produits d’hygiène ont pris la route le dimanche 18 février 2024 au départ d’Illzach. L’itinéraire nous a fait traverser l’Allemagne en suivant la direction de Nuremberg, Zwickau, Dresde, Wroclaw. Nous passons la première nuit à Debica en Pologne. Lundi, passage de la frontière ukrainienne : il faut présenter passeports et papiers des véhicules sous la surveillance d’un militaire armé d’un vieux fusil.

Photos : Partir Offrir

Nous faisons le plein à la station qui fait aussi boutique et café. Nous traversons une suite de petits villages installés dans un paysage vallonné et boisé, et ensuite nous atteignons les plateaux fertiles. Avant d’atteindre Kiev, nous traversons plusieurs localités. Les cimetières n’ont pas de clôture comme en France. On voit les tombes depuis la route, et dans chaque cimetière on a pu reconnaître les sépultures des soldats : deux drapeaux les surmontent, aux couleurs de la Géorgie et de l’Ukraine : rouge et noir (amour et chagrin) pour rappeler l’alliance militaire entre les deux États.

Nous progressons lentement en raison de l’état des routes : sur certaines portions, des kilomètres durant, le revêtement n’est plus qu’une succession de fondrières. Mon coéquipier a pris le volant, il est plus adroit, plus vif que moi pour éviter les trous. Ils peuvent atteindre 30 ou 40 centimètres de profondeur. Nos camions sont surchargés et l’un d’eux est endommagé, contraint à l’arrêt : il faut réparer deux roues. Nous avons le temps d’examiner l’habitat le long des routes en traversant les villages. Les maisons sont desservies en gaz par une conduite aérienne, posée en limite de propriété, peinte en jaune. Chaque maison a son raccordement privé.

Il fait nuit, nous traversons la banlieue de Kiev, sa densité de constructions. Au centre, la place Maidan est calme. La guerre n’apparaît pas.

Mardi matin, en sortant de l’hôtel, nous entendons la sirène d’alerte mais personne ne s’inquiète. Le convoi repart, séparé en deux groupes de sept fourgons: l’un va à  Krementchuk, l’autre  va à Zaporijia.

La police et les militaires travaillent ensemble : ils sont postés armés le long des routes devant leurs casemates. Ils font des contrôles de vitesse, arrêtent les voitures. Pas question de les prendre en photo. Le point le plus distant est Zaporijia, à 2800 km de Montbéliard. Nous remarquons de larges panneaux de propagande militaire, verts et noirs, pour inciter la population à résister. L’un d’eux affiche le célèbre bataillon Azov proeuropéen de 2014. Nous voyons aussi des véhicules militaires, un camion portant un char nous dépasse à l’entrée de Zaporijia. Nous entrons dans la ville en fin d’après-midi. Nous n’avons pas eu le temps de voir l’immeuble touché par un missile. Mais plus loin, devant l’hôtel de ville, j’ai reconnu le spectacle décrit par la journaliste Marion Van Renterghem : l’alignement de plusieurs dizaines de drapeaux dressés sur le trottoir en hommage aux combattants.

Les abords de Zaporijia sont caractérisés par un complexe sidérurgique datant de l’ère soviétique. La nuit tombe. On suit un tuyau de chauffage de plus d’un mètre de diamètre : il serpente le long de la route et nous conduit à une immense chaufferie au charbon, d’où une fumée jaune s’échappe par une cheminée très haute. Ces installations semblent dater du milieu du 20e siècle.

Nous atteignons un quartier dans la partie sud de la ville pour rejoindre notre hôtel. Mercredi matin nous devons décharger à l’entrepôt des Églises protestantes : un immense bâtiment flambant neuf. Il est situé dans le sud du pays non occupé, placé dans une position stratégique. À quelques pas de là, une rue où se tient un marché en plein air est dans un état pitoyable. On vend des légumes, les gens sont mal habillés. À l’entrée, les femmes refusent qu’on prenne des photos. La voirie est entièrement délabrée, des voitures hors d’âge stationnent sur les bas côtés. On voit aussi quelques cyclistes pédalant lentement sur de vieux vélos. 20 km au-delà vers le sud, c’est le front russe où la guerre continue.

Le lendemain, nous  visitons un dispensaire : les gens font la queue dehors, exposés au froid avant d’entrer. Ils viennent chercher du réconfort, des vêtements, de la nourriture, des livres. La directrice nous fait entrer dans son bureau, elle nous explique le fonctionnement de son établissement. Une carte de l’Ukraine est dépliée au mur pour indiquer les villages d’origine des nécessiteux : tous étaient installés près de la ligne de front à quelques kilomètres de là ; ils ont dû fuir.

Nous faisons encore deux livraisons, l’une en ville et l’autre à la campagne non loin du Dnieppr. La route passe entre les étendues cultivées immenses : le blé semé commence à sortir de terre, pas plus haut qu’un gazon ras mais bien vert. La route descend progressivement, on aperçoit au loin le fleuve très large. Après quelques virages, nous atteignons le village. Les rues ne sont pas goudronnées. Les maisonnettes ont des allures de cabanes en bois, certaines peintes en bleu. Il y a un puits devant chaque maison. Nous sommes accueillis à bras ouverts. Le camion est vite déchargé, et le café servi avec une tranche de gâteau nous attend à l’intérieur. La cuisine est minuscule, sans aucun confort.

D’un point de vue économique, c’est la monoculture du blé qui domine. Cela explique que les jeunes vont s’installer dans les grandes villes pour trouver du travail. Autre observation : il n’y a pas de ferme en Ukraine, contrairement à ce que nous avons pu voir en Pologne. Sans eau, il n’y a donc pas d’élevage, ce qui est un frein au développement. Le pays est en état de guerre, les chantiers de travaux publics sont tous à l’arrêt : construction de ponts, élargissement des autoroutes, construction d’immeubles aussi. Les engins de chantier ont été retirés, les travailleurs sont probablement au front. Il en ressort une profonde impression de chaos.

Dans les magasins, nous sommes bien accueillis malgré la difficulté de la langue. Les mots en écriture cyrillique sont illisibles. Les habitants sont calmes et les sirènes d’alerte ne les perturbent pas. Les stations d’essence sont aussi des lieux de rencontre : deux militaires géorgiens descendent de leur voiture en tenue mais sans armes. Ils sont jeunes et nous pouvons les approcher. L’un d’eux est un ancien combattant de Bachmut : il est resté 13 mois sur front, il donne depuis quelque temps une formation militaire aux Européens qui souhaitent s’engager volontairement dans l’armée ukrainienne.

Vendredi matin nous découvrons dans Lviv des signes d’une réelle activité économique par rapport au reste du pays. La population souhaite échapper au système russe pour vivre à l’européenne. Un panneau publicitaire montre la copie d’une DS 19 Citroën prenant son élan comme pour montrer la voie à suivre. Plus loin à la sortie de la ville, un immense entrepôt est en cours de construction. C’est encore un lieu stratégique pour stocker le matériel nécessaire en temps de guerre.

Sur la route du retour, avant de quitter le pays, une suite de véhicules officiels vient dans notre direction à très vive allure, précédée d’une escorte avec gyrophares. Après vérification, nous pensons qu’il peut s’agir de la première Ministre danoise attendue à Lviv pour une entrevue avec le président Zelinski. Elle lui promet des avions F 16 dans un avenir proche. Elle agitcomme les autres chefs d’État : sans moyens, il est impossible de venir en aide à ceux qui sont démunis. Nous voyons encore la faiblesse des dirigeants dans un domaine qui n’est pas le nôtre.

Plus loin, le passage à la frontière se fait dans les meilleures conditions : pas d’attente, un bâtiment abrite les deux postes ukrainien et polonais : c’est l’entrée de l’Europe, signalée par un immense panneau bleu. Véhicules et bagages sont fouillés entièrement et rapidement, nous passons sans problèmes. Le soir nous atteignons l’hôtel royal du château Lwowek Slaski.

L’aller a été émaillé de pannes sur plusieurs de nos véhicules ; l’un d’eux est resté en Pologne, il faudra venir le chercher après réparation.

Michel Eglin

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