Le ministère de prophète
Dernier article d’une série sur les ministères dans l’Eglise. Invitation à quitter les crispations inutiles, à avoir une vision large de la prophétie et à mettre en oeuvre le discernement communautaire.
On a assez facilement tendance à assimiler prophétie et ancienne alliance et à penser spontanément à Esaïe, Jérémie et autres grands ou petits prophètes. Pourtant, on retrouve non seulement la prophétie mais même un ministère prophétique dans les écrits du Nouveau Testament.
Avant Jésus, les évangiles appelleront prophètes Anne, qui se trouve au temple lors de la présentation de Jésus (Lc 2,36) et, bien sûr, Jean- Baptiste (Lc 1,76). L’existence d’un tel ministère semble naturelle, au point que Jésus pourra dire : « Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète obtiendra une récompense de prophète » (Mt 10,41).
Il va de soi que le ministère fondateur des apôtres a un caractère prophétique : ils sont porteurs du message de Dieu. Certains interprètent dans ce sens les passages où il est question des « apôtres et prophètes » (Ep 2,20 ; 3,5).
Mais quoiqu’il en soit, le Nouveau Testament nous présente clairement l’exercice du don de prophétie, ainsi que l’existence d’un ministère de prophète.
TOUS PROPHÈTES OU MINISTÈRE DE PROPHÈTE ?
L’exercice de la prophétie peut être le fait d’un chrétien qui va recevoir ponctuellement ce don pour une occasion particulière. Il s’agira alors d’une parole venant de l’Esprit et qui aura pour but d’édifier, d’exhorter, d’encourager ou d’instruire la communauté (1 Co 14,3.31). On pourrait ainsi penser que cette prophétie est très proche de ce que nous appellerions prédication. C’est sans doute le cas, mais avec une attention plus forte à ce que l’Esprit dit, à ce moment, à son Eglise. Car la prophétie peut annoncer des événements que le prophète discerne, mais qu’il ne peut pas savoir en dehors de l’Esprit Saint. C’est ainsi qu’Agabus apparaît deux fois dans le livre des Actes : en Ac 11,27-28, il nous est dit qu’Agabus annonça par l’Esprit qu’il y aurait une grande famine et l’auteur commente en disant qu’elle eut lieu en effet sous Claude. Nous retrouvons ce même prophète en Ac 21,10ss qui annonce à Paul que celui-ci sera livré aux Romains.
Nous sommes ici devant un véritable ministère, cet homme est reconnu comme prophète. Et cela se passe chez Philippe qui avaient quatre filles qui prophétisaient (21,9). Dans la mesure où il n’est pas question ici d’un événement précis, on peut penser qu’elles avaient l’habitude de prophétiser et donc que leur ministère était reconnu. On peut penser que 1 Co 14,31-33 nous indique que la différence entre l’exercice du don – ouvert à tous – et le ministère de prophète était peu prononcée. Tous peuvent prophétiser ; les « prophètes » étant sans doute ceux qui le font de manière régulière et dont la parole s’est révélée sérieuse et fructueuse.
CERTAINS DOIVENT SE TAIRE
Que sait-on sur l’exercice de ce don dans l’Eglise de l’époque ? Il est certain qu’il est accepté et, si l’on en croit les conseils que Paul adresse aux Corinthiens, abondamment pratiqué, au point qu’il fallait conseiller à certains de se taire si d’autres voulaient prophétiser à leur tour (1 Co 14,30-31). On le trouve donc à Corinthe, mais Judas et Silas, des dirigeants parmi les frères de Rome sont présentés comme prophètes (Ac 15,22 ; 32). On trouve d’ailleurs les prophètes mentionnés dans les différentes listes de ministères du Nouveau Testament (Ro 12,6 ; 1 Co 12,28, Ep 4,11).
LE PROPHÈTE PEUT SE TROMPER
Bien sûr, l’inspiration du prophète vient du Saint Esprit, mais cela n’implique aucune sorte d’infaillibilité. Le prophète peut se tromper et les autres sont appelés à juger des paroles apportées (1 Co 14,29). De même, à la fin de sa lettre aux Thessaloniciens, Paul dit ceci : « N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les messages de prophètes, examinez tout, retenez ce qui est bien » (5,19- 21). On peut imaginer que la prophétie pouvait être d’une très grande variété. Dieu parlait à son Eglise pour la fortifier, plus rarement pour annoncer quelque chose de précis. Mais encore fallait-il apprendre à discerner l’Esprit de ses caricatures, d’où les exhortations de Paul à la prudence et à la lucidité.
PROPHÈTES AUJOURD’HUI ?
Il existe dans les Eglises d’aujourd’hui plusieurs compréhensions de ces textes du Nouveau Testament. Une attitude traditionnelle considère que cette action de l’Esprit est liée à la nouveauté de l’Eglise. Le message des apôtres n’est pas encore fixé dans un texte et Dieu utilise des prophètes, comme il le faisait autrefois, pour être présent auprès de son Eglise. Mais les temps ont changé. Le canon est fixé et il n’est plus besoin d’interventions directes. La prophétie, de même que l’apostolat, n’ont plus lieu d’être. On pourrait depuis lors appeler prophétie la prédication qui va actualiser, rendre pertinent pour aujourd’hui, le message biblique.
Mais à l’inverse, d’autres remarquent que rien n’indique que ce ministère doive prendre fin. Que le canon soit clos n’empêche pas l’Esprit de communiquer de manière plus « ciblée » des paroles, des encouragements ou des exhortations. Et pourquoi, si une personne pratique ce don avec régularité et de manière reconnue, ne pas parler de ministère de prophète ? Le mouvement charismatique a remis en valeur cette dimension des dons de l’Esprit. Les dérapages auxquels elle a pu donner lieu ne suffisent sans doute pas à la condamner. Ces dons existaient aussi dans l’Eglise primitive. Mais les exhortations de l’apôtre au discernement communautaire doivent également être mises en oeuvre.
QUE FAIT LE PROPHÈTE?
« Celui qui prophétise parle aux hommes : il édifie, il exhorte, il encourage. » 1 CO 14,3