L’édito : Mourir
En Pennsylvanie au début du mois d’octobre, une paisible école amish a été le théâtre d’une tragédie : un homme a ouvert le feu sur un groupe de 10 filles, avant de se donner la mort. Cinq filles sont mortes, les cinq autres gravement blessées.Touchée de manière dramatique, la communauté amish autour de Paradise (c’est le nom du lieu !) a réagi de manière exemplaire. Les familles des victimes ont assisté aux funérailles du meurtrier et ont assuré ses proches de leur pardon. La communauté amish a également décidé de donner une partie des nombreux dons reçus à la veuve du meurtrier et à ses enfants.Enfermées dans l’école sous la menace de l’homme, Marian 13 ans et Barbie 11 ans, deux des filles les plus âgées, lui avaient dit : « Tirez d’abord sur moi. » Prêtes à se sacrifier dans l’espoir de sauver les plus petites d’entre elles. Quelques jours après la tragédie, un pompier bénévole de la région témoignait : « Tout ce que nous entendons par ici, c’est qu’il faut pardonner et soutenir la famille du tireur. Je me suis rendu compte à quel point la foi des amish et leur engagement réciproque sont forts. J’ai dit à l’évêque [amish] que, comparé à eux, je me sentais comme un chrétien à temps partiel. »
DIRE DIEU
Cette histoire est horrible et tragique. En même temps, au coeur de la tourmente jaillissent des paroles et des gestes qui « disent Dieu » : don de soi pour sauver la vie des autres, pardon accordé au meurtrier et à ses proches.Même quand elle ne frappe pas de manière si brutale, la mort est toujours une rupture et recèle une certaine violence nous dit Pascale Jahn, aumonière d’hôpital. Que d’efforts pour surtout ne jamais y penser ni en parler ! Le mythe de l’éternelle jeunesse que nous sert la publicité et certaines formes de christianisme triomphaliste nous fascine davantage que nous n’osons l’avouer. Un peu de « Toussaint » aurait le mérite de faire penser à la mort, de penser la mort… Simon, entre la vie et la Vie, et son père s’y sont essayés (dernière page de couverture).Ce numéro « Novembre 2006 » effleure la réalité de la mort. Ni par goût morbide ni comme instrument de peur. La mort peut être regardée en face, affrontée, mise en mots, parce que le Crucifié en est ressuscité, victorieux. Le croyant sait que son heure arrive – paisiblement ou brutalement. Saura-t-il alors « dire Dieu » ? Les amish ont des choses à nous apprendre…