Que faire quand il est ‘minuit moins cinq’ ?

Même quand tout va mal, il est encore temps de chercher Dieu. Les passages à l’arrière-plan de cet article (Am 2,9-11 ; 4,6-13 ; 5,4-9 ; 5,14-15) évoquent les avertissements et les délivrances du passé et appellent à chercher Dieu et à vivre selon les termes de l’alliance. Message du temps d’Amos et pour aujourd’hui.

Le livre du prophète Amos est un pamphlet contre l’euphorie politique, économique et religieuse au VIIIe siècle avant notre ère: vision réaliste mais terrible, presque désespérante.
Les passages abordés ici font suite à la condamnation des injustices commises et soulignent les actes de délivrance accomplis par Dieu dans le passé et les souffrances subies par le peuple au cours de son histoire. Cette histoire douloureuse entre Dieu et son peuple explique la fureur de Dieu : la grâce de Dieu s’est exprimée de 1000 manières à son égard. Il l’a libéré, guéri, arraché au mal et à ses ennemis, lui a donné des leaders et des prophètes.

MANQUE DE RÉCIPROQUE

Mais Dieu se plaint du manque de réciproque dans cette relation. Le même constat tombe cinq fois : même les souffrances n’ont pas amené le peuple à revenir vers son Dieu (4,6. 8.9.10.11). Dans ce contexte, l’injonction « Prépare-toi à rencontrer ton Dieu» (4,12) semble tomber comme un couperet. Mais la formule, si menaçante soit-elle, implique que Dieu n’en a pas fini avec son peuple, et la suite du texte montre que tout n’a pas encore été dit. Trois fois est répété l’appel à chercher Dieu, et à chercher le bien (5,4.6 et 14). « Au bord de l’abîme, la vie est à portée de main autant que la mort » (André Néher, L’essence du prophétisme, 1955, p. 196).

CHERCHER DIEU…

L’invitation de Dieu n’est cependant pas une offre de grâce à bon marché : « Cherchez-moi, mais ne me cherchez pas à Beth-El, au Guilgal et à Bersabée. » (5,5). Les auditeurs d’Amos sont invités à revenir à Dieu, mais pas aux images familières qu’ils se faisaient de Dieu. Beth-El, Guilgal, Bersabée symbolisent le culte rendu à de faux dieux ou à de fausses images du vrai Dieu. Ce sont des lieux traditionnels de culte liés à différentes étapes de l’histoire d’Israël.
Ce n’est pas un regain de piété qui va conduire le peuple de Dieu à une vie nouvelle ; ce n’est pas non plus le retour à des traditions qui lui sont chères.
Le Dieu vers qui le peuple doit revenir n’est lié ni à un rite ni à un lieu particulier. Il ne se laisse pas réduire ou asservir par l’être humain. Le Dieu qu’il faut chercher s’appelle « le Seigneur » et il est décrit comme le créateur de l’univers et le garant du droit des plus faibles.

… ET DONC CHOISIR

Chercher Dieu, c’est donc faire un choix. Opter pour la vie et non pour le néant. De ce choix découlent des décisions très concrètes : pratiquer la justice et rejeter la corruption. Mais Amos précise que des réformes dans le domaine du droit et dans le domaine social ne suffiront pas à éviter le malheur imminent : « Haïssez le mal, aimez le bien, rétablissez le droit », dit-il ; « peut-être le Seigneur Dieu aura-t-il pitié d’un reste… » Le salut demeure l’oeuvre de Dieu, la mort et la vie dépendent de Dieu. Ce n’est pas une bonne morale ou une bonne politique qui vont changer le cours de l’Histoire ; c’est la rencontre avec Dieu qui va bouleverser les comportements dans le domaine politique, moral, social et dans le domaine du culte. Car finalement, c’est Dieu qui reste le créateur et l’unique rédempteur de son peuple (voir aussi 9,11).
Il est frappant qu’Amos, qui a si abondamment décrit les injustices, ne donne guère de détails concernant la pratique de la justice. L’appel à « chercher Dieu » semble lui suffire. En l’absence d’indications plus précises, l’auditeur est renvoyé aux termes de l’alliance bafouée qu’il devrait connaître ; il est mis au défi de redécouvrir lui-même les dimensions concrètes de la justice telle que le Dieu créateur et libérateur la veut.

CHANGEMENT DE CAP

On notera que le changement de cap proposé par Amos implique essentiellement un regard aigu et engagé vis-à-vis du passé :
• se remémorer les actes de Dieu pour son peuple dans l’histoire ;
• se souvenir avec réalisme de ses échecs ;
• retourner à Dieu, lui qui se laisse trouver – non dans le réveil nostalgique de belles traditions, mais dans la radicalité, en remontant à la racine, au fondement de la foi, c’est-à-dire en pratiquant la justice.

AUJOURD’HUI EST LA DÉCISION

Ce n’est pas parce que leurs ancêtres ont refusé le port des armes que les anabaptistes renonceront à la violence aujourd’hui. C’est la rencontre personnelle avec le Jésus du Sermon sur la montagne qui leur montrera la voie de la non-violence active face aux injustices de notre temps.
Un « devoir de mémoire » superficiel et tapageur concernant les crimes commis dans le passé ne sert de rien. L’authenticité de notre évocation du passé se mesure à celle de notre engagement au présent : faire mémoire des victimes d’autrefois implique d’être aux côtés de celles d’aujourd’hui.
Le créateur et Dieu de l’alliance nous invite aujourd’hui encore à le chercher. La vie peut jaillir de cette rencontre, même aujourd’hui où, dans bien des domaines, il semble être « minuit moins cinq »…

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CHERCHEZ-MOI !
Car voici ce que dit le Seigneur à la maison d’Israël : cherchezmoi et vivez ! Ne cherchez pas à Beth-El, n’allez pas au Guilgal, ne vous rendez pas à Bersabée. Car le Guilgal sera exilé, et Beth- El sera réduit à rien. Cherchez le Seigneur et vivez ! Craignez qu’il ne s’empare comme un feu de la maison de Joseph, et que ce feu ne la dévore, sans personne à Beth-El pour l’éteindre – vous qui changez l’équité en absinthe et qui jetez à terre la justice ! Il fait les Pléiades et Orion, il change l’ombre de mort en aurore, il obscurcit le jour pour en faire la nuit, il appelle les eaux de la mer et les répand sur la terre : son nom, c’est le Seigneur.
AMOS 5,4-8