Une demande de pardon, des siècles plus tard…
Le 22 juillet dernier, les luthériens au plan mondial ont officiellement demandé pardon aux mennonites pour les persécutions passées. Échos.
Un événement historique a eu lieu le 22 juillet 2010 à Stuttgart, lors du rassemblement de la Fédération luthérienne mondiale (FLM). Les délégués de 22 millions de luthériens dans le monde ont officiellement demandé pardon aux mennonites pour les persécutions qu’ils ont subies au XVI e siècle. L’aboutissement d’un dialogue commencé en 2002.
« Quand on demande pardon, on le fait à genoux. Que tous ceux qui désirent approuver cette demande de pardon se mettent à genoux ou qu’ils se lèvent. » C’est ainsi que l’évêque luthérien Mark Hanson introduit la demande de pardon. Les 400 délégués luthériens venant du monde entier tombent à genoux ou se lèvent, accompagnés par les nombreux représentants d’autres confessions chrétiennes et d’une cinquantaine de mennonites présents. L’émotion est forte, des larmes coulent, pendant que l’évêque Hanson formule la demande de pardon, suivie d’un temps de silence, puis d’applaudissements.
La délégation mennonite s’avance, composée de Danisa Ndlovu, du Zimbabwe, Janet Plenert, du Canada, Ernst Bergen, du Paraguay, Mesach Krisetya, d’Indonésie, Larry Miller de France et Rainer Burkart d’Allemagne. Danisa Ndlovu, président de la Conférence Mennonite Mondiale (CMM), introduit sa réponse par la lecture de Matthieu 18.18-21 : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié au ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié au ciel… » Puis il continue : « Nous nous prosternons en toute humilité, car nous avons nous-mêmes conscience de notre dépendance de la grâce de Dieu. À Dieu soit la gloire ! » Ndlovu offre à Hanson une cuvette en bois et une serviette, utilisés pour le lavement des pieds dans certaines Églises mennonites, en disant : « Servons-nous les uns les autres comme notre Seigneur nous a servis. »
À la sortie de la salle, la chorale mennonite d’Ingolstadt accompagne par un cantique tous les participants jusqu’au lieu du culte de repentance, enrichi de nombreux symboles, de témoignages du passé, suivis d’une demande de pardon et enfin d’un regard sur l’avenir : « Que Dieu guide nos pas sur le chemin de la paix ! »
Les participants mennonites ont été bouleversés par l’accueil des frères et sœurs luthériens. Larry Miller, secrétaire général de la CMM, l’a formulé ainsi : « Nous ne sommes pas dignes d’une telle générosité. »
LA DEMANDE DE PARDON DES LUTHÉRIENS AUX MENNONITES
Quand aujourd’hui, les luthériens prennent conscience de l’histoire des relations entre luthériens et anabaptistes au XVI e siècle et après, ainsi qu’elle est présentée dans le rapport de la Commission internationale d’études luthéro-mennonite, ils ressentent un profond regret et beaucoup de tristesse. Ils constatent la persécution des anabaptistes par les autorités luthériennes et en particulier le soutien théologique des réformateurs luthériens. Aussi, la Fédération Luthérienne Mondiale (FLM), une communion d’Églises, souhaite exprimer publiquement son profond regret et sa grande tristesse.
Nous confiant en Dieu qui a réconcilié le monde avec lui-même en Jésus-Christ, nous demandons pardon à Dieu et à nos frères et sœurs mennonites, pour les torts que nos ancêtres du XVI e siècle ont commis à l’encontre des anabaptistes, pour avoir oublié ou ignoré cette persécution les siècles suivants, et pour les portraits inexacts, trompeurs et blessants des anabaptistes et des mennonites faits par les auteurs luthériens, populaires et universitaires, jusqu’à nos jours.
Nous prions que Dieu accorde à nos communautés la guérison de nos mémoires et la réconciliation.
Nous nous engageons :
• à interpréter les confessions luthériennes selon une description commune aux luthériens et aux anabaptistes ;
• à nous assurer que cette action de la FLM portera des fruits dans l’enseignement des confessions luthériennes dans les séminaires et les autres cercles éducatifs de nos Églises membres ;
• à continuer à explorer les questions non résolues, en particulier le baptême et les relations des chrétiens et de l’Église avec l’État, dans un esprit d’ouverture mutuelle et la volonté d’apprendre les uns des autres ;
• à affirmer le consensus actuel, obtenu grâce à l’expérience de nos Églises pendant des siècles, en refusant l’utilisation du pouvoir de l’État, que ce soit pour interdire ou pour promouvoir des convictions religieuses particulières ; et à œuvrer pour la défense et le maintien de la liberté religieuse et la liberté de conscience dans les instances politiques et la société ;
• à inciter nos instances internationales, nos Églises membres et en particulier nos paroisses, à continuer d’approfondir les relations avec la Conférence Mennonite Mondiale et avec les assemblées mennonites par la prière et l’étude biblique en commun, et la collaboration dans l’engagement humanitaire et en faveur de la paix.
APPROUVÉ PAR LA ONZIÈME ASSEMBLÉE DE LA FÉDÉRATION LUTHÉRIENNE MONDIALE, JUILLET 2010.
Pour aller plus loin…
Guérir les mémoires : se réconcilier en Christ (rapport de la Commission internationale d’études luthéro-mennonite). Disponible en ligne sur www.mwc-cmm.org ou comme livre à : CMM, 8 rue du Fossé des treize, 67000 Strasbourg, tél. 03 88 15 27 50.
Article paru dans Perspective et repris avec autorisation.