Découvrir Menno Simons

 Dans Christ Seul, Connecter

Pour la première fois, trois traités de Menno Simons sont à lire en français ! Dans un livre paru il y a quelques mois. Grâce au travail de passeur de François Caudwell.

CHRIST SEUL : Si tu devais présenter « Menno Simons pour les nuls » en quelques phrases, que dirais-tu ?

François Caudwell : Menno Simons fut un disciple du Christ et un prédicateur de l’Évangile. Il est né en 1496, treize ans après Martin Luther. Comme ce dernier, il est issu du clergé catholique.
Il a exercé son ministère de prêtre en Frise, dans une région où rayonnait déjà la prédication des premiers anabaptistes. Il a rejoint la mouvance pacifiste de l’anabaptisme en 1536, après une longue période de réflexion et de lecture assidue de la Bible. Trois aspects doctrinaux furent décisifs : le baptême réservé aux seuls adultes croyants, le caractère symbolique de la sainte cène, et la vie chrétienne considérée comme une nouvelle naissance, une « suivance » du Christ sans compromission avec le monde et ses violences.
Dès lors, Menno Simons a contribué à la réorganisation du mouvement anabaptiste. La postérité a gardé son nom pour désigner la quasi-totalité de la branche pacifique de l’anabaptisme : les mennonites.
Après un ministère périlleux de prédicateur itinérant en Europe du Nord, Menno Simons est mort en 1561.

CS : Peux-tu résumer le contenu des trois traités traduits et publiés ?

FC : Ces trois traités s’intitulent : Une Méditation sur le Psaume 25, La Nouvelle Naissance et Le Fondement de la Doctrine chrétienne. Ces écrits sont fondateurs et représentatifs de la pensée de Menno.
Fondateurs, parce qu’ils font partie des tout premiers traités qu’il a publiés. On sent, surtout dans les deux premiers, un souffle de nouveauté, de découverte, d’émerveillement mais aussi… de réaction ! Menno présente de manière priante ou rigoureuse les contours de sa foi chrétienne anabaptiste, à l’aide de solides et fréquents appuis bibliques. En même temps, il trace un portrait peu reluisant et peu irénique des grandes Églises de son temps. Pacifique, Menno n’en est pas moins polémique.
Représentatifs, en ce sens que ces trois traités donnent un aperçu assez complet de sa pensée. Sa réflexion théologique et spirituelle y apparaît déjà dans sa maturité. C’est particulièrement vrai pour le Fondement. Il s’agit du plus célèbre et du plus diffusé des écrits de Menno Simons.

CS : On te sent passionné par Menno. Y a-t-il néanmoins des domaines où tu es critique envers lui, où il aurait fait fausse route ?

FC : Menno Simons rédige ses traités dans le feu d’une action formidablement courageuse. Il pose les exigences d’une vie de disciple de Jésus-Christ au sein d’une société très attachée à ses privilèges. Il a tout quitté pour prêcher sa compréhension de l’Évangile !
Mais effectivement, Menno a ses limites. Elles apparaissent bien dans ses premiers traités. C’est un blessé de la vie et de l’Église, dans une société intolérante. Sa condamnation d’un catholicisme dont il ne sait plus voir les aspects positifs est sans appel. Les luthériens et les réformés sont épinglés par son écriture acerbe. Son argumentation manque de nuances. Menno a contribué à sortir la sainteté des couvents, mais il a oublié qu’elle pouvait y demeurer.

CS : En quoi Menno et ses écrits peuvent-ils renouveler ou guider les Églises aujourd’hui ?

FC : En une période où l’œcuménisme cherche un nouveau souffle, on pourrait penser que le caractère polémique de ses traités ne le rend plus d’actualité. Je crois au contraire que Menno Simons peut aider les chrétiens dans leurs efforts de rapprochements. Les Églises n’avanceront vers l’unité qu’en se rapprochant ensemble de leur centre. C’est en suivant le Christ qu’elle se retrouveront fondamentalement unies. La pensée résolument christocentrique de Menno pourrait les aider dans ce sens.
Les théologiens découvrent aujourd’hui combien la connaissance du passé favorise la compréhension mutuelle. En se penchant ensemble sur la richesse spirituelle de l’anabaptisme primitif, mennonites et non mennonites pourraient apprendre à mieux se connaître, à s’apprécier et à se retrouver.
Dans un monde de plus en plus inégalitaire, dans lequel la violence, fictive ou réelle, est banalisée par les médias, le message pacifique de Menno Simons garde toute son actualité. La non résistance de Menno Simons se fondait simplement sur un désir ardent d’obéir à toutes les paroles du Christ, dans la liberté de la foi. A une société violente qui se dit tolérante, Menno peut apprendre que l’exigence évangélique de vérité conduit à construire une paix solide entre les hommes, en commençant par les disciples du Seigneur.

CS : Pour quelles raisons Menno Simons est-il si peu connu des mennonites eux-mêmes ?

FC : Peut-être a-t-on voulu oublier certains aspects dérangeants de la pensée de Menno Simons. Notamment sa rigueur dans la pratique de l’excommunication, nécessaire selon lui pour préserver la pureté de l’Église. Cause de souffrances et de divisions, sa sévérité a contribué à entraîner les communautés mennonites vers un certain légalisme. Oserais-je dire que Menno Simons fait peur ? Ses exigences apparaissent démesurées. Son intolérance est ressentie de nos jours comme… intolérable !
S’agit-il de la peur d’être bousculé par les conséquences de la nouvelle naissance en Christ ? De la crainte de placer notre vie entièrement entre les mains du Seigneur ? Le courage de Menno Simons et de ses partisans devrait bien nous inspirer pour vivre dans notre monde, sans être du monde.

CS : Y a-t-il le danger inverse de trop se focaliser sur Menno et les anabaptistes, alors que l’important c’est Jésus-Christ, comme Menno lui-même l’affirmait par son verset préféré ?

FC : Menno Simons recentre notre foi sur la suivance du Christ. Il indique un chemin d’écoute et d’obéissance du « seul fondement, Jésus-Christ » (1 Co 3.11), susceptible de nous aider à construire notre vie personnelle et notre vie d’Église.
Mais il n’est pas le seul à l’avoir fait ! Et il l’a fait selon une optique qui lui était propre, dans un contexte qui ne favorisait pas la sympathie pour d’autres démarches spirituelles.
Menno Simons n’est qu’un acteur de la grande histoire des Églises chrétiennes. Il serait dommage de s’en contenter. Il lui manque une envergure théologique ou une ouverture aux grandes traditions du christianisme. L’Église est un édifice constitué de pierres vivantes. Menno en fut une de choix, mais pas plus. Lui-même avait conscience des limites de sa tâche et de ses talents.

CS : Que dirait Menno aujourd’hui aux mennonites ? Et aux autres chrétiens ?

FC : Les écrits de Menno Simons sont contextuels. Mais son message est universel. Il s’agit de celui des apôtres : « Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu » (Rm 12.2).
Les chrétiens, surtout en Occident, ont grand besoin d’être secoués par des appels qui les interrogent sur leur qualité de disciples du Christ. Menno prêche un réveil de l’Église. Un réveil certes spirituel, mais surtout existentiel. Il ne s’agit pas seulement d’être pieux ou savant, mais aussi d’être saint, par la grâce de Dieu.

Pour aller plus loin…
« Découvrir le réformateur Menno Simons », textes présentés et traduits par François Caudwell, collection Perspectives anabaptistes, Excelsis, Charols, 2011, 311 pages, 22 €.
À commander sur le site des Éditions Excelsis.

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