Accro à l’info

 Dans Christ Seul, Stimuler

Quel est l’impact de la masse d’informations et de messages en tout genre que nous recevons (ou choisissons de recevoir) en permanence ? Est-ce grave, docteur ? Y a-t-il quelque remède ?Réflexion d’un psychiatre et témoignage.

La révolution technologique des dernières années nous offre des canaux de communication et d’information innombrables. Ce qui était réservé à des professionnels ou à des services d’Etat est aujourd’hui accessible à chacun. Bouquet de chaînes, téléphonie mobile, tablettes électroniques, Internet… L’attrait paraît irrésistible pour les jeunes générations, relayé par un matraquage publicitaire.
Une amie vivant à Jérusalem nous envoyait il y a peu un courriel par le truchement de son téléphone portable pendant que le bus la conduisait de la vieille ville à son domicile. Comment ne pas être grisé par cet effacement du temps et de l’espace !
Par ces canaux, des informations à haut débit nous parviennent en continu. L’image qui me vient est celle d’un robinet apposé en dérivation d’une grosse canalisation type pipeline : au début, j’ouvre et je ferme le robinet ; puis l’excitation d’être branché en temps réel, la crainte de passer « à côté de l’info » importante, le pouvoir addictif d’un média interactif qui associe l’image et le texte, me conduisent à laisser le robinet sans cesse ouvert.

EFFETS PSYCHIQUES

Quels effets psychiques opère cette avalanche d’informations ?
Un phénomène proche a été bien étudié par nos collègues psychiatres de la ville de Florence. La capitale culturelle de Toscane concentre une richesse invraisemblable d’objets d’art de tout premier plan : ses églises, le charme de la cité, les pièces exposées (notamment au Musée des Offices). L’hyperstimulation esthétique provoque paradoxalement, par effet de saturation, une réaction dépressive chez le visiteur. Ce phénomène est appelé : syndrome de Stendhal.
La saturation d’informations crée en nous un stress et peut provoquer : des manifestations dépressives : sentiment d’impuissance devant la folie des hommes (actualité en temps réel) ; une conviction que le mal repousse toujours plus loin les limites de ses effets, sans contre-pouvoir ; une saturation de l’esprit par des images, des phrases-choc ; une insensibilisation progressive au mal, notamment collectif, à force de repousser les limites de ce qui est acceptable et inacceptable ; du stress par la dictature de l’urgence : la technique impose une réactivité en temps réel que la lettre, par exemple, ne demande pas ; une addiction : l’excitation et le plaisir que procure le « haut débit » d’informations conduisent à ne plus pouvoir s’en passer et à augmenter toujours plus le temps consacré.

QUESTIONS

Quelques questions : vivons-nous plus heureux que les générations précédentes sans doute moins informées que nous ? Est-il nécessaire de « tout savoir » ? Être « très informés » nous rend-il plus sages ? Quel espace me reste-il en temps, en disponibilité intérieure, pour être vraiment présent aux miens ? N’y a-t-il pas la tentation d’être comme des dieux « omni-informés » (tout savoir et avoir une opinion sur tout), au risque de négliger ma communion avec le Seigneur ?

SUGGESTION

Une suggestion : « Quand tu pries », dit Jésus, « entre dans ta chambre », éteins ton portable, débranche ton ordi, allège ta tête, car « ton Père se tient dans le lieu secret ». Réapprenons le silence, l’écoute… de notre Dieu, de nos frères et sœurs. C’est au désert, loin des « bruits de l’Égypte », que Dieu convoque son peuple pour lui adresser sa Parole et renouveler son alliance.
Pratiquons régulièrement l’ascèse de l’information, pour nous désencombrer l’esprit et retrouver la présence au Seigneur qui veut nous parler, un jeûne des médias durant un week-end, une semaine, un jour par semaine, sans « laisse électronique ».
NOYÉ PAR UN FLOT D’INFORMATIONS… – TÉMOIGNAGE
Nous baignons dans un flot continu d’informations. A tel point que le journal de 20 h n’a plus rien à nous apprendre. Tout ce qu’il y a à savoir, nous l’avons déjà lu sur Internet, téléphone portable et autres tablettes. Mais quelles conséquences sur nos êtres ?
Les nouvelles du monde m’apportent chaque jour leur lot de violence et de sang. Guerres, attentats meurtriers, tremblements de terre ou inondations me révoltent ou m’émeuvent. Et je découvre mon impuissance à changer le cours des choses. Mon indignation se transforme vite en accablement, puis en indifférence faute de trouver comment agir. Parfois, je me laisse envahir par un sentiment de culpabilité à l’idée de ne rien pouvoir faire d’utile. J’ai la connaissance d’une situation, et je n’ai aucune prise sur les événements.
Cette abondance d’informations influe aussi sur ma manière de regarder ceux qui m’entourent avec les difficultés qui sont les leurs. Tant de misères, tant de souffrances me sont jetées chaque jour à la figure par les médias. Du coup, la pauvreté que je côtoie finit par me paraître banale, normale. Ces petites souffrances de tous les jours, cette misère au quotidien que je rencontre dans les rues, dans mon quartier, finissent par me paraître ordinaires, dans l’ordre des choses. Les inégalités ne sont plus criantes, mais silencieuses et assumées. Finalement, je suis interpellé par les graves crises lointaines sur lesquelles je ne peux agir, et je banalise les souffrances proches que je pourrais soulager, ne serait-ce que d’un simple sourire.
PHILIPPE L., ÉGLISE DE VILLENEUVE-LE-COMTE

 

TOUJOURS PLUS DE MESSAGES !
L’humanité a créé plus d’informations au cours des deux dernières années que pendant toute son histoire. Dans le monde, Facebook accueille 30 milliards de documents supplémentaires chaque mois. Les SMS dont le nombre est estimé à 12 millions d’unités par minute en 2010, devraient atteindre 20 millions d’unités par minute en 2013. Le nombre de courriers électroniques est estimé à 294 milliards par jour. La croissance va se poursuivre au rythme effréné de 45 % par an jusqu’en 2020.
LE FIGARO

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