Israël – Palestine (3) : histoire d’eau
Jour 3 du voyage d’étude organisé par le Mennonite Central Committee en Israël – Palestine. Après avoir évoqué une histoire de terres, un participant, Daniel Goldschmidt, évoque la guerre de l’eau qui se joue dans ce coin du monde…
Ce soir, nous sommes invités dans des familles chrétiennes palestiniennes. Après le repas, la télévision allumée dans un coin diffuse un film en arabe sur une chaîne turque. Un téléphone sonne que saisit la grand-mère ; une de ses sept sœurs prend des nouvelles depuis les Etats-Unis. Deux de ses fils également ont fondé leur famille là bas. Les photos de tous ses membres aux Etats-Unis trônent sur un guéridon. L’aïeule a perdu son mari il y a plus de 20 ans, elle vit dans la maison familiale avec la famille de son premier fils qui nous jure qu’il n’émigrera ô grand jamais aux Etats-Unis.
Douche rationnée
Plus tard, nos hôtes insistent que nous prenions une douche avant de nous coucher. Les consignes passées avant de rejoindre nos familles nous ont précisé qu’une compensation financière est prévue pour cela. Précision utile après les visites et échanges des journées passées ! Les territoires palestiniens en effet sont rationnés en eau.
Accaparement
Le fondateur de l’Institut de Recherche Appliquée nous a détaillé ce matin comment l’Etat d’Israël confisque 89 % du bien nommé « or bleu » au profit des 6 millions d’Israéliens (dont 1,6 million d’Arabes). Il laisse 11 % de cette ressource aux 4,3 millions de Palestiniens. Comment cette exploitation a-t-elle pu se faire au mépris des accords internationaux ? Par une stratégie systématique d’expropriation des terres convoitées, de destruction des puits et de démolition des maisons même dans les zones censées revenir à l’administration palestinienne. Par la construction du mur enfin, dont le tracé inclut évidemment les ressources en eau au profit des colonies juives illégales.
Résistance
Nous visitons un village qui illustre ce propos : il se trouve au « mauvais endroit « et sera donc encerclé par le mur. Il y a quatre ans environ, la maison de notre hôte a été frappée d’alignement et a été démolie pour laisser la place à une route reliant la colonie voisine à Jérusalem, route toute proche mais interdite aux Palestiniens… Le fond de la vallée est l’endroit le plus fertile. Les paysans y passent la période des récoltes de toutes sortes de fruits dans des abris provisoires. Des avis d’expropriations ont été émis, des abris et des maisons détruits avant l’annexion pure et simple et l’inclusion dans le tracé du mur.
Nous admirons la résistance mise en place par les paysans de ce village. Avec l’aide de leurs partenaires dont le Comité Central Mennonite (MCC), ils commencent un projet pilote d’aquaculture intégrée : les déchets des poissons fertilisent des plantations de légumes avec utilisation de l’eau en circuit fermé. Ils cultivent intensivement légumes et pois sur les surfaces ridicules des terrasses environnant leur maison. En fait, le féminin serait plus approprié : avant de nous quitter, une jeune femme voilée nous remercie de nous intéresser à leur sort et nous demande de le faire connaître dans nos pays et à nos gouvernants. Elle nous montre fièrement les mosaïques qu’elle commercialisait avant la première « intifada » (révolution des pierres) il y a une vingtaine d’années
En milieu urbain, les colonies et territoires israéliens sont les premiers servis ; s’il en reste, la Palestine verra couler de l’eau dans ses jardins, ses maisons, les réservoirs qui hérissent les toits et permettent de patienter jusqu’à la prochaine largesse de leurs voisins occupants.
Guerre de l’eau
L’Institut rassemble un nombre troublant de faits dévoilant derrière les implantations de colonies une intention de plus en plus claire : annexer à leur profit les ressources en eau. Comment expliquer que la carte de la Palestine ressemble de plus en plus à un archipel d’îles isolées dans un territoire contrôlé par Israël ? L’occupation israélienne suit le réseau hydrographique : l’accès aux nappes proches de la mer, la vallée du Jourdain, les sources et l’affleurement des nappes. Toutes ces données factuelles sont disponibles sur la toile sur le site d’ARIJ, Applied Research Institute of Jerusalem.
En Palestine, il y a longtemps que la guerre de l’eau a commencé. La résistance aussi s’organise, dont fait partie une large diffusion de l’information. Le conférencier termine : « Nous multiplions conférences et démonstrations basées sur les faits devant les Etats, les associations, les organismes internationaux. Le monde ne pourra pas dire qu’il ne savait pas ».
Daniel Goldschmidt
Photo Ruedy Nussbaumer : piscine de Salomon (un affleurement de nappe phréatique)