Israël – Palestine (9) : histoire de maisons

 Dans Blog, Israël - Palestine

La série d’articles continue, cette fois autour de la thématique de la démolition de maisons.

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Sur le chemin du retour, je me sens groggy, comme si j’avais reçu un de ces blocs de béton sur la tête. Nulle envie de visiter la vieille ville comme on nous le propose. Les paroles des personnes rencontrées résonnent encore alors que nous quittons cette zone détruite à quelques kilomètres de Jérusalem. Oui, il est possible de passer à côté de la réalité en se bornant à la tournée des lieux saints que les tours opérateurs proposent.

Une maison démolie et reconstruite cinq fois !

Nous revenons d’une visite de la maison de la paix, démolie puis reconstruite pour la cinquième fois depuis 1994 sur le même site par une équipe de volontaires israéliens, palestiniens et internationaux. En janvier dernier, plusieurs maisons ont été réduites en un tas de pierres et blocs de béton par l’armée israélienne. Notre bus progresse avec peine dans ce paysage lunaire où le Comité Israélien contre la Démolition des Maisons (en anglais ICAHD) a installé un centre et organise un camp d’été annuel pour résister à la politique d’intimidation et d’occupation du terrain. Il s’agit de repousser les Palestiniens hors de certaines zones, mais cela ne se fait pas sans brutalité. « Un beau matin, très tôt, on toque à ma porte », explique notre hôte. « La propriété est encerclée par près de 300 soldats : un officier me donne ordre de rassembler quelques affaires et de sortir en un quart d’heure de cette maison ; comme je veux fermer la porte, ils me donnent des coups de crosse et me menottent. Ils lancent des grenades lacrymogènes pour faire sortir ma femme et mes enfants. Devant nos regards médusés, deux bulldozers démolissent jusqu’aux fondations en béton, arrachent les 50 oliviers de la propriété et nous laissent hébétés devant les décombres. La Croix Rouge et l’ICAHD viennent une nouvelle fois à notre secours : nous habitons dans une tente en attendant le prochain camp qui reconstruit la maison en deux semaines avec plus de 100 volontaires et l’aide des Eglises du Minnesota. »

Depuis que l’association a décidé d’en faire une maison pour la paix et d’y organiser ces camps, 120 autres maisons ont été reconstruites. Une goutte d’eau face à la vague de 26 000 démolitions recensées jusqu’ici.

Politique de démolition

Plus tôt le matin, le directeur et fondateur de l’association nous a brossé le cadre général de cette politique israélienne de démolition ; il reprend la cartographie de la colonisation juive dans les Territoires Occupés. Les accords d’Oslo dans les années 1990 ont déterminés trois zones, A, B, et C suivant que l’Autorité Palestinienne y est pleine (A), limitées à certains domaines excluant la sécurité et la politique (B) ou remplacée par l’Etat israélien (C). Presque 20 ans plus tard, Israël a construit tellement de colonies en zone C au mépris des accords que les zones A et B restantes représentent un archipel d’îles isolées les unes des autres et impossibles à réunir en un Etat. C’est une balkanisation volontaire que les intéressés décrivent dans des termes d’un autre contexte : par analogie avec la politique de l’apartheid de sinistre mémoire en Afrique du Sud, on parle de Bantoustans.

Jérusalem
Le cas de Jérusalem et de sa région est encore plus « chaud » que la zone C en Cisjordanie. Les Palestiniens de Jérusalem Est, inclus par simple annexion en 1967 dans l’Etat d’Israël, doivent justifier régulièrement qu’ils résident dans leur domicile historique. S’ils veulent construire un étage, ou a fortiori une maison, ils doivent suivre un parcours du combattant pour déposer un permis de construire qui leur sera toujours refusé pour des prétextes fallacieux : terrain trop en pente, déclaré zone militaire ou naturelle ou agricole. Tout argument qui ne s’applique pas aux colonies juives voisines, florissantes, elles. Un Palestinien qui se trouve vivre en zone C ou à Jérusalem n’a d’autre solution que de construire sans permis avec l’épée de Damoclès d’une démolition. On estime à environ 120 000 les Palestiniens de Jérusalem Est qui ont pris le risque qu’une nuit, on frappe à leur porte et qu’ils pleurent sur les décombres de leur maison. Les lieux des démolitions, éparpillés et sans logique de reconstruction, sont d’ailleurs choisis pour servir d’avertissement aux voisins. La municipalité de Jérusalem a fait part de son plan d’évolution démographique à l’horizon 2020 : il se caractérise par une réduction de la population palestinienne des 40% actuels au 30% estimés nécessaires pour l’économie de la région. Plus que jamais, les Palestiniens citoyens de seconde zone sont considérés comme une main d’œuvre bon marché pour les colonies juives ou à Jérusalem.

L’exemple de notre ami reconstruisant autant de fois sa maison que nécessaire est pour nous une application directe de la parole de Jésus : « Si ton ennemi te frappe sur la joue droite, tends lui donc l’autre ! »

Daniel Goldschmidt

Photo : Ruedy Nussbaumer. « Bienvenue à Beit Arabiya, Maison de la paix, construite en 1994, reconstruite pour la cinquième fois en 2012 »

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