Actes des Apôtres : annoncer le nom de Jésus coûte que coûte
L’Église à ses débuts rencontre succès missionnaire et opposition farouche. Gros plan sur Actes 4.5-21.
GUÉRISON MIRACULEUSE, PRÉDICATION, ARRESTATION
Au début du chapitre 3 des Actes, un homme bien connu, « assis chaque jour à la Belle Porte du temple pour demander des actes de compassion » (3.10), un homme devant lequel tout un chacun passait en entrant dans le temple, est miraculeusement guéri par les apôtres Pierre et Jean. Cet homme était infirme de naissance (3.3), et cela faisait 40 ans qu’il ne pouvait pas marcher (4.22). C’est donc en quelque sorte une figure publique qui fut touchée par le « salut », et cela ne manqua pas de créer un véritable émoi à Jérusalem (3.1). Devant la foule qui accourait, Pierre s’adressa une nouvelle fois à elle en prêchant l’Évangile de Jésus-Christ (3.12-26).
Mais il va sans dire que l’émotion suscitée de la sorte dans le temple ne fut pas du goût de tous ! « Excédés » de voir les apôtres proclamer la résurrection, les prêtres, le commandant du temple et les sadducéens vinrent se saisir d’eux et les placèrent en rétention provisoire jusqu’au lendemain. Cependant, la prédication des apôtres continuait de faire son effet, si bien que « le nombre des hommes [convertis] s’éleva à environ cinq mille » (4.4). Dans ce contexte du début de la mission des disciples dans les Actes, nous découvrons une Église primitive aux prises avec la double réalité du succès missionnaire et de l’opposition, une opposition parfois farouche.
PIERRE ET JEAN DEVANT LE SANHÉDRIN
Nos deux apôtres furent donc, dès le lendemain, entendus par le sanhédrin, le grand concile politique et judiciaire de la ville. L’angle d’attaque choisi par les autorités est le suivant : « Par quelle puissance ou par quel nom avez-vous fait cela ? » (4.7). Or, dans cette question, l’antécédent de « cela » n’est pas clair : s’agit-il de la guérison miraculeuse de l’homme infirme ou de la prédication de Pierre près du portique de Salomon (une prédication pour le moins fructueuse et puissante) ? Si c’est certainement sur la guérison de l’infirme que la question se concentre, la suite du texte montre que les deux événements ne doivent pas être dissociés : la guérison est évidence que Christ est à l’œuvre à travers les apôtres, si bien que l’annonce de son nom, par ces mêmes apôtres, devait être proclamée.
LA DÉFENSE DES APÔTRES
Pierre, courtois (4.8) mais piquant (v. 10), répond qu’un tel miracle a été opéré par le nom de Jésus-Christ, la « pierre » que le présent sanhédrin (les constructeurs) avait méprisée, rejetée et crucifiée, mais qui est devenue la principale, celle de l’angle. L’allusion à peine voilée au Psaume 118.22 est pour le moins ironique et acerbe, surtout dans un contexte où le temple était encore en construction. C’est la légitimité, ou tout du moins la compétence, de ces autorités religieuses que Pierre met en question ! Celles-ci n’ont pas saisi que « Le salut ne se trouve en aucun autre, car il n’y a sous le ciel aucun autre nom donné parmi les humains par lequel nous devions être sauvés. » (4.12).
Le sanhédrin semble clairement embarrassé par une telle assurance de la part de Pierre et de Jean (des « petites » gens), une assurance il est vrai bien aidée par la présence de l’homme infirme à leur côté. Difficile de répliquer (4.14) et de nier (4.16) qu’un miracle a bien eu lieu par l’entremise des apôtres, ceux-là même qui clament que Christ est l’auteur du miracle.
UNE FORME DE DÉSOBÉISSANCE CIVILE CHRÉTIENNE
Tout l’enjeu se trouve là pour le sanhédrin : comment faire en sorte que le nom de Jésus ne soit pas associé au miracle de la guérison, du salut de l’homme infirme ? Qu’une guérison ait eu lieu est une chose, mais que Jésus soit lié à cette affaire, lui dont la crucifixion est encore dans toutes les mémoires, en est une autre. Une seule solution : interdire, à coups de menaces, de « parler en ce nom-là » (4.17-19). Notons d’ailleurs que les apôtres ne sont pas empêchés de faire le bien (des miracles, par exemple), mais pour que la foi en ce Jésus ne se répande pas davantage dans le peuple (4.17), ils doivent cesser manu militari de parler et d’enseigner au nom de Jésus.
La réponse des apôtres face à une telle interdiction est brillante, plaçant le sanhédrin devant ses responsabilités. En posant la question suivante, Pierre démontre combien cet ordre est illégitime et désespéré de la part du sanhédrin : « Est-il juste au regard de Dieu de vous obéir plutôt qu’à Dieu ? À vous d’en juger, car nous, nous ne pouvons pas ne pas parler de ce que nous avons vu et entendu » (4.19-20). Ce n’est ici ni plus ni moins que les contradictions, l’absurdité même de l’interdiction du concile qui sont mises en cause par « ces gens du peuple sans instruction » !
À contrecœur, le sanhédrin doit donc laisser partir nos apôtres, qui continueront de proclamer le nom de Jésus, malgré de nouvelles menaces (4.21). En désobéissant de la sorte aux autorités de leur temps, les apôtres déclarent haut et fort que leur Sauveur règne en Maître sur leur vie. Quand son commandement (en l’occurrence celui d’être « mes témoins à Jérusalem », 1.8) est en conflit avec le commandement des autorités humaines, c’est la fidélité à Christ qui doit primer.
COURAGE OU COMPROMISSION
On a parfois reproché à la notion de désobéissance civile de détourner l’Église de sa mission principale de prédication de l’Évangile en la compromettant dans une lutte politique. Dans notre texte, les apôtres nous enseignent au contraire que lorsque la foi chrétienne ou l’évangélisation est, même légalement, privée de liberté, les chrétiens se doivent de violer cette exigence. Il en va de notre obéissance à Christ, qui prime sur tout pouvoir humain. L’Église d’aujourd’hui a-t-elle gardé cet enthousiasme, ce courage pour la cause de Christ ? Quels sont les domaines où elle s’est elle-même compromise avec le pouvoir en place ? Quel est notre rapport à l’opposition dans notre témoignage chrétien ?