Investir l’espace public…vraiment ?

 Dans Christ Seul, Explorer

Devant certaines restrictions à l’expression publique de la foi, quelle réponse les chrétiens et les Eglises doivent-ils apporter ?

Comme le manifestent les débats récents liés à la question du voile dans l’espace « public » (affaire de la crèche Baby Loup, autorisation ou non de porter le voile pour les mamans accompagnatrices lors de sorties scolaires…), le modèle de la laïcité à la française est en crise. Un certain nombre de politiques – laïcistes, comme on les nomme communément – semblent se crisper autour de la possibilité pour les religions de s’exprimer, de se « manifester » dans l’espace visible et audible. Ainsi, relayant ces craintes, le journal Libération ouvrait récemment son édition par cette charge : « Dieu démission ! […] Ses troupes et ses prêtres ne cessent de diminuer. Pourtant, l’Église catholique, comme l’islam, cherche de plus en plus à peser sur le débat public et à imposer ses idées réactionnaires. » La conviction religieuse exprimée publiquement devenant pour beaucoup un véritable blasphème social – une menace pour le vivre-ensemble –, les croyants sont dans ce climat invités à faire profil bas.

La foi aussi dans l’espace public

Contre cela, nous avons souvent une réponse toute faite : la foi n’appartient pas seulement à la sphère privée, elle n’est pas une affaire honteuse, mais elle peut au contraire légitimement s’exprimer dans la sphère publique. Précisément parce que la laïcité, dans son principe même, est garante de l’expression religieuse.
Évidemment, je souscris sans réserve au fond de cette pensée. Ce doit même être un combat pour nous, pour tous : celui de défendre une laïcité bien comprise, la possibilité pour les croyants de témoigner de leur foi dans la diversité de leurs lieux de vie : au travail, dans la rue, dans l’espace médiatique et social, sans réserve ni restriction, si ce n’est celui du respect de la liberté de chacun et de l’ordre public.
Pour autant, les catégories que nous employons (« sphère privée »/« sphère publique ») afin de mieux récuser le principe de leur opposition sont-elles pertinentes ? Et la façon dont nous les manions est-elle habile ? Avons-nous raison, sollicitant l’application d’une laïcité « ouverte », de donner le sentiment à nos concitoyens que nous voulons investir ainsi la sphère publique ? Je ne le crois pas…

Laïcité ouverte ?

Stratégiquement, écoutant la résonnance de ces notions dans l’inconscient collectif et leur sens précis dans l’histoire et le droit français (la sphère privée étant le lieu de l’expression des libertés de chacun ; la sphère publique celui de la loi commune, s’appliquant à tous), il me semble sage de respecter le langage commun et la distinction usuelle. Au risque sinon de demeurer sourds les uns aux autres et de creuser notre différend. Il me semble dès lors pertinent dans l’approche de commencer par rejoindre notre contradicteur en valorisant le principe laïc de distinction entre la sphère de la loi commune, publique (dans laquelle aucune religion ne doit faire prévaloir ses vues) et la sphère des libertés fondamentales, privées (que l’État se doit de garantir jusque dans leur expression).

Laïcité des origines

Ainsi, plutôt que de demander un élargissement de la laïcité par le concept de laïcité ouverte, démontrons simplement que le cœur de la laïcité – celle des origines, la « vraie » – est précisément de garantir la liberté religieuse et le libre partage dans l’espace social des convictions religieuses. Cette possibilité étant d’ailleurs précisément garantie par la loi commune (« sphère publique ») ! Voilà le privilège et l’honneur de nos démocraties libérales, le cœur d’une laïcité conséquente avec elle-même.

Liberté de croire ou de ne pas croire

L’expérience montre que cette approche, moins confrontationnelle, paye ou permet en tout cas d’ouvrir l’interlocuteur en l’amenant à se questionner à partir de ses propres principes. D’expérience également, c’est aussi l’occasion de dire qu’au cœur de notre compréhension de la foi et de l’Église demeure cette liberté fondamentale pour chacun de choisir Dieu, de cheminer librement et personnellement dans un dialogue ouvert avec d’autres. Une belle façon de témoignage… Alors pourquoi se priver ?

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