L’édito : De l’Église mondiale à l’Église locale

Petit avant-goût de la cité à venir

Le rassemblement de la Conférence mennonite mondiale (CMM) à Harrisburg en Pennsylvanie appartient désormais au passé (21-26 juillet). Dans les pages qui suivent, des participants français donnent leurs impressions sur une rencontre qui a réuni 8 500 personnes venant de tous les continents.

Et alors ? Pour certains, ce n’est peut-être qu’un « grand machin » sans intérêt, au mieux une occasion de tourisme au pays des amish. Je me permets plusieurs réflexions soulignant l’importance de l’existence de la CMM.

ÉGLISE INTERNATIONALE

Pour la plupart d’entre nous, la vie chrétienne tourne autour de l’Église locale. C’est normal. Mais depuis les origines, l’Église du Christ a cherché à créer des liens entre les assemblées et à montrer de la solidarité au-delà des frontières. C’était aussi, depuis les origines, le cas des mennonites. Se cantonner à l’intérieur de nos frontières politiques ou linguistiques est un phénomène plutôt récent dans notre histoire.

DIVERSITÉ DE CULTURES

L’Église est locale mais pas seulement. La diversité des cultes et des chants (chaque jour était animé par un continent différent) montrait de manière claire que l’on ne chante pas tous de la même manière, que l’on peut prier calmement ou avec ferveur, que l’on peut bouger ou rester assis, que l’on peut prêcher de manière calme ou enthousiaste. Tous sont dans la même Église du Christ : de quoi relativiser quelque peu nos débats et nous montrer que ce qui est évident pour nous ne l’est pas pour l’autre.

SÉCULARISATION ET INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES

Cette diversité – qui n’est pas que mennonite au sein du monde chrétien – est le fruit des efforts missionnaires et d’une croissance spectaculaire de l’Église en dehors des pays occidentaux. Si au début du 20 e  siècle, les mennonites européens représentaient plus que la moitié des mennonites dans le monde, aujourd’hui, nous n’en sommes même pas 5 %. Cette tendance nous révèle la sécularisation de l’Occident, ce qui pose un véritable défi missionnaire. Elle nous montre aussi la disparité économique entre l’Église occidentale et l’Église d’ailleurs. Le nombre de visas non accordés aux participants de certains pays rappelait les tensions de notre monde.

Les commissions de la CMM cherchent à aborder ces questions de façon internationale dans les domaines de la paix, de la diaconie, de la mission et de la « foi » et de la « vie ». Beaucoup de réseaux s’établissent, et on découvre une Église mondiale où il devient possible de travailler les questions ensemble. Chaque jour, les commissions présentaient des situations concrètes ; tout en évoquant les problèmes difficiles, ces récits étaient aussi une source d’encouragement et d’exemple pour les situations plus locales.

MANIÈRE D’ŒUVRER À L’UNITÉ CHRÉTIENNE

Le rassemblement nous a aussi rappelé que les mennonites ne sont pas les seuls membres de la grande famille chrétienne et que cette famille connaît des divisions qui n’honorent pas Dieu. Depuis plusieurs décennies, la CMM entre en discussion avec d’autres familles chrétiennes mondiales, dont les luthériens, les réformés, les baptistes, les catholiques et les adventistes. Les salutations quotidiennes de représentants d’autres Églises démontraient l’importance accordée par celles-ci aux efforts de sortir de nos zones de confort. En travaillant en même temps les convictions communes aux mennonites et en participant aux dialogues divers, la CMM cherche à fournir à ses membres une identité claire mais non crispée ou sectaire. Comment être « artisan de paix » si l’on ne tient pas compte des divisions entre les chrétiens ? Voilà encore une démarche que l’on peut imiter sur le plan local.

PAIX, JUSTICE, RÉCONCILIATION

Depuis des années, je suis frappé de ce que les jeunes Églises montrent parfois plus d’enthousiasme pour les aspects spécifiques de la théologie mennonite que nous les Églises « historiques ». Est-ce parce que, de manière quotidienne, beaucoup sont confrontés à la violence et à la pauvreté ? Ceux-là nous disent que le monde a véritablement besoin de l’Évangile de paix, de justice et de réconciliation. Pouvons-nous les entendre en ce moment où de graves problèmes frappent à nos portes ?

Beaucoup étaient touchés par les cultes où le grand nombre, la musique et la diversité culturelle étaient très frappants. C’est peut-être un petit avant-goût de la cité à venir, où des personnes de toute langue et de toute tribu se retrouveront dans une ville où l’arbre de vie donnera des fruits servant à la guérison des nations. Puisque le projet de Dieu va dans ce sens, l’existence de l’Église mondiale pourrait nous encourager à en poser des signes, pour la gloire de Dieu et pour le bien de sa création.  Même si tout le monde n’était pas en Pennsylvanie, nous pouvons tous bénéficier du travail de la CMM. Lisez donc avec intérêt !