1415-2015 : de Jean Hus à nous

 Dans Christ Seul, Explorer

La date anniversaire de l’exécution du pré-réformateur tchèque Jean Hus rappelle l’importance première de la « parole », face au bavardage et à « l’émotionalisme ».

La chapelle de Bethléem à Prague

Légende : la chapelle de Bethléem à Prague. Crédit photo : Frédéric de Coninck

Cette salle, d’apparence plutôt ordinaire, se trouve à Prague. C’est là, dans cette chapelle dite de Bethléem, que Jean Hus, au tout début du 15e siècle, a commencé à prêcher et à appeler à une réforme de l’église, plus de 100 ans avant Luther. J’ai pris cette photo en 2004, avec le premier appareil numérique dont j’ai disposé. Au moment où je commence à travailler sur cette rubrique, j’apprends que Jean Hus a été exécuté pour hérésie, en 1415, il y a juste 600 ans (les églises tchèques l’ont célébré cet été).

ÉCOUTER PLUTÔT QUE VOIR

Je me souviens de la surprise que j’ai éprouvée lorsque j’ai pénétré dans cette salle. Elle se situe dans le quartier central de Prague et elle voisine avec de nombreuses églises baroques au décor tarabiscoté. Ici, rien de tel. Les murs sont plats et ornés de quelques fresques sobres. La distance entre le prêtre et les fidèles est considérablement réduite, par rapport aux immenses autels protégés par une balustrade que l’on voit ailleurs. Le lieu n’est pas fait pour célébrer un rite sacré à l’écart de la foule, mais pour adresser directement la parole à des auditeurs aussi proches que possible, à une époque où il n’y avait pas de micro. La structure même de la salle est originale : sur la photo, elle paraît plus large que longue. En fait, elle est carrée, ce qui est un moyen supplémentaire de produire une proximité maximale entre clercs et laïcs. Sur la photo, on devine qu’il y a environ 200 chaises dans la salle. Il est probable qu’au début du 15e siècle la plupart des auditeurs étaient debout. Ils étaient donc plusieurs centaines et je pense qu’ils pouvaient tous entendre sans difficulté Jan Hus, pour peu qu’il ait eu une voix entraînée, ce qui était sans doute le cas.

La construction de ce lieu me parle donc, directement, de l’enjeu de la Réforme. Celui qui entrait là se trouvait confronté, sans aucune médiation, sans distance marquée, sans décorum, à la parole prêchée et commentée. On venait pour écouter plus que pour voir.

ÉGLISE ET UNIVERSITÉ

Mais l’histoire qui s’est déroulée là n’était pas uniquement religieuse. À partir de 1402, Jean Hus cumule, en effet, le titre de prédicateur attitré de cette chapelle, alors privée, et de recteur de l’université de Prague. Son projet religieux trouve donc également sa source dans un projet universitaire de mise à disposition du savoir à un nombre maximum de personnes. Il use d’un discours argumenté et construit pour faire réfléchir ses auditeurs. Il se rend proche des autres parce qu’il n’entend pas leur en imposer, mais les inciter à se mettre en marche eux-mêmes. Il y a là les prémices d’une alliance qui durera. Pendant plusieurs siècles, le projet universitaire d’approche des choses au travers d’un discours construit et argumenté et le projet protestant d’accès du croyant au libre examen, se reconnaîtront des parentés l’un avec l’autre. Le processus de sécularisation était à l’œuvre, évidemment, mais il attaquait, en premier lieu, les superstitions les plus grossières et l’obscurantisme.

DAVANTAGE D’ÉMOTIONS

Est-il correct de dire que tout a changé vers 1960 ? Au moment où un grand nombre de jeunes ont pu accéder à l’université, on a commencé à voir le côté ambigu du progrès technique et les limites de discours réputés « rationnels ». Dans le même temps, les différentes pratiques religieuses ont été critiquées au nom de la normalisation morale qu’elles induisaient. Sur des modes différents, donc, on a critiqué l’approche mesurée et rationnelle des choses, et on a préféré la chaleur émotionnelle d’un vécu réputé plus « authentique ». Dans les églises elles-mêmes, d’ailleurs, les formes de vie communautaire chaleureuses ont pris plus d’importance. Les chants en vogue, et leur accompagnement musical, nous portent, aujourd’hui, à l’exaltation plus qu’à la méditation.

En voyant cette photo, j’entends comme les échos d’un message qui a tranché par sa fraîcheur et par les perspectives qu’il ouvrait. Mais j’imagine que nombre d’entre vous trouvent ce décor un peu froid.

Nous sommes, aujourd’hui, loin : loin de ce contexte particulier. Et le formatage télévisuel du discours accentue encore la prime à l’émotion. Faut-il alors s’étonner que le débat politique se limite à des invectives, que les rapports sociaux deviennent rapidement tendus et incivils, que des communautés se referment sur elles-mêmes en refusant tout débat avec l’extérieur, que le passage à l’acte remplace les mots ? Tout cela est parfaitement logique.

AU COMMENCEMENT LA PAROLE…

Jésus et Jean avaient une vive affection l’un pour l’autre. Pas question de froideur entre eux. Mais quand Jean entreprend de raconter cette incroyable plénitude qu’il a expérimentée au contact du Seigneur, ses premiers mots sont : « Au commencement était la Parole. » (Jn 1.1). Ce sont ces mots que j’entends résonner en regardant cette image.

 

 

 

 

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