500 ans de la Réforme : interview de Martin Luther
Propos recueillis par Louise Nussbaumer
500 ans après, Christ Seul a rencontré Martin Luther pour une interview ! Pour savoir ce qu’il pense aujourd’hui… Interview fictive à laquelle un pasteur et professeur luthérien a bien voulu se prêter…
Christ Seul :
Martin, 500 ans plus tard, qu’est devenu le message de la Réforme dans les Eglises qui s’en réclament ? A-t-on trahi ton message ou a-t-il été entendu ?
Martin Luther :
La question que l’on trahisse mon message ne se pose pas. La seule donnée qui puisse être trahie est l’Evangile. Il m’a été donné de pouvoir retourner aux textes bibliques. L’imprimerie et l’ouverture humaniste de la Renaissance y ont beaucoup contribué. Il ne faut jamais oublier que j’ai été contemporain de Colomb et de Magellan, de Léonard de Vinci et de Michel Ange, d’Erasme et de Copernic et de beaucoup d’autres qui ont contribué à une véritable révolution culturelle en Occident.
Ayant eu accès aux textes bibliques dans leur langue originelle, j’ai rapidement constaté que l’essentiel de l’Evangile était à mon époque oublié. Qu’en est-il aujourd’hui ? La Bible est le livre le plus étudié. Il l’est cependant dans les sens les plus divers aussi au sein des Eglises.
Reprenant les textes, j’ai pu remettre en lumière la clé de lecture qui a été celle des apôtres et de la première église : Jésus-Christ mort et ressuscité pour nous. C’est à partir de ce centre que tout texte biblique prend sens et devient par l’Esprit Saint la Parole d’Evangile qui permet aux humains de vivre. Si nous vivons dans et par la foi, si nous laissons Christ seul vivre en nous, nous sommes les enfants de Dieu vivant de son amour indéfectible.
Mon époque était hantée par la peur du jugement dernier et l’Eglise entretenait cette peur. J’ai pu redire que la parole dernière de Dieu est déjà dite du moment que nous nous confions pleinement à lui. Cette parole est libératrice et donne sens à notre vie. Libres de la peur, nous pouvons nous engager en ce monde et le rendre plus conforme à la volonté de Dieu. Nous n’avons pas peur de nous perdre, car Il nous a déjà trouvés.
Christ Seul :
Aujourd’hui le temps est à l’écoute mutuelle, à la réconciliation plus qu’à la rupture entre les Eglises chrétiennes. Peux-tu te rallier à cela ?
Martin Luther :
Mon intention n’a jamais été de rompre l’unité de l’Eglise. Je demandais la réunion d’un Concile, afin de parvenir à une véritable réforme de l’Eglise. Je n’ai pas été entendu et je le regrette. L’affaire s’est même amplifiée et est devenue politique. Toute la société est entrée dans une phase révolutionnaire avec la Guerre de paysans et l’apparition de mouvements religieux comme les anabaptistes. J’ai eu le souci de maintenir l’ordre établi et j’ai participé à la répression d’abord organisée par les pouvoirs politiques. Ce fut probablement une erreur.
Que l’on œuvre aujourd’hui à une reconnaissance mutuelle des Eglises et à des moments de réconciliation est une très bonne chose. Ne confondons cependant pas unité et uniformité. L’Evangile s’incarne en divers lieux et à divers moments sous des formes ecclésiales différentes. L’unité est donnée par le fait que chacun dans sa langue proclame le salut en Christ. C’est la seule chose qui compte et qui fonde l’unité de l’Eglise du Christ.
Christ Seul :
Si tu devais afficher demain quelques nouvelles thèses sur le portail de l’église de Wittemberg, que dirais-tu aux chrétiens de 2017 ? Qu’y a-t-il selon toi à réformer dans l’église ?
Martin Luther :
L’Eglise a un constant besoin de réformes, à mon époque et aujourd’hui. Le plus grand danger est que l’Eglise se conforme à son temps et oublie la portée de son message. Je vois aujourd’hui des Eglises instituées dans lesquelles l’administratif prend le pouvoir. Mon but était de rendre la Parole de Dieu accessible à tous. J’ai à cet effet rédigé des catéchismes et des livres de prière, prôné l’éducation et le chant choral. Ma démarche a été largement reprise, mais je constate que la manière dont les Eglises actuelles proposent l’Evangile n’est plus guère efficace. Etant souvent muettes, les Eglises traditionnelles ouvrent un espace à toutes sortes de communautés dont la parole, par moments juste et à d’autres moments problématique, est entendue.
Vos contemporains recherchent la vie authentique, une vie qui fasse sens, une vie où l’être n’est pas la conséquence du faire, mais le faire la conséquence de l’être. Paul utilise pour le dire le terme de « justification ». Notre être nous est donné par Dieu et c’est cela qui provoque notre faire. C’est là le message qu’il faut redire et il faut tout faire pour que les Eglises ne perdent pas de vue ce centre qui est leur seule raison d’être.
La mondialisation et les nouvelles techniques de communication exigent un renouveau de la prédication de l’Eglise. Mes thèses ne disaient à leur époque pas autre chose. Je ne modifierai pas leur contenu dernier, mais je le redirai de telle manière qu’il puisse aujourd’hui être entendu.