K comme kénose
Kénose, un mot savant, qui exprime l’extrême abaissement de Dieu en Jésus-Christ, du ciel sur la terre, de la condition divine à celle d’un esclave, pour rejoindre l’humanité souffrante.
La « kénose » est un terme utilisé par les théologiens pour désigner l’humilité, l’abaissement, le dépouillement absolu du Fils de Dieu, selon Philippiens 2.7 : « Jésus s’est dépouillé »… Le mot grec employé par l’apôtre Paul, kenoô, signifie : vider, anéantir, évacuer, réduire à rien… Ce verbe exprime avec force l’humiliation du Christ qui, « de condition divine » (Ph 2.6), accepte volontairement de prendre celle de « serviteur » – littéralement d’esclave ! – jusqu’« à la mort sur une croix » (Ph 2.7-8).
VERTIGE DE L’ABAISSEMENT DE DIEU
La kénose était au cœur de la prédication du christianisme primitif. Elle exprimait le scandale que représentait la foi au Messie crucifié : Dieu fait homme, le Très-Haut devenu le Très-Bas, la Source de vie partageant notre mort, et la mort d’un criminel, « le dernier degré » (Karl Barth)… En Jésus, l’Éternel s’anéantit ! Cette expression ahurissante de la foi a donné lieu à bien des débats théologiques.
Pour Paul, la kénose du Christ culmine mais ne se limite pas à la croix. Toute la vie de Jésus exprime l’abaissement du Fils de Dieu : de la crèche au lavement des pieds et à sa passion. Le Christ s’est identifié à l’humanité la plus basse, la plus faible, la plus humble, la plus souffrante.
LA KÉNOSE DANS L’ÉGLISE
Mieux encore, sa kénose dépasse sa vie terrestre. La résurrection de Jésus et le don de son Esprit à l’Église lui donnent une nouvelle actualité. En Philippiens 2, le discours de Paul vise d’abord à l’édification d’une communauté chrétienne : « Avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous… Comportez-vous entre vous, comme on le fait en Jésus-Christ. » (Ph 2.3,5). La kénose de Jésus se retrouvera dans la vie de ses disciples.
LE CHRIST AMER
Pour les premiers anabaptistes, il s’agissait d’une question essentielle posée à l’Église. Le Royaume de Dieu n’avait rien de commun avec les royaumes de ce monde. Le Christ qu’ils suivaient était le « Christ amer » : le serviteur, le rejeté, le persécuté. Le chrétien doit passer par l’abaissement de Jésus (Tiefe Christi). Hans Schlaffer († 1528) écrivait : « Tous ceux qui aspirent à être sauvés en Christ doivent toucher le fond. » Et Pilgram Marpeck précisait en 1547 : « Aucune rédemption n’est possible en dehors de l’humilité profonde du Christ. »
La kénose apparaît de prime abord comme une notion savante. Elle exprime pourtant le cœur de l’existence chrétienne : l’humilité dans le service. Cette attitude permet de retrouver le visage de Jésus aujourd’hui.
« Il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur. » Philippiens 2.7