Deux théologiennes : il y a 40 ans et aujourd’hui…..

 Dans Christ Seul

En 1977, Marie-Noëlle Faure (aujourd’hui von der Recke) a été embauchée comme enseignante à ce qui s’appelait alors l’école Biblique Mennonite Européenne du Bienenberg. événement qui a fait parler dans les chaumières mennonites… Première interview.

Christ Seul : Comment as-tu vécu tes débuts comme enseignante à l’école Biblique Mennonite Européenne du Bienenberg et ta carrière de théologienne et de prédicatrice ?

Marie-Noëlle von der Recke : Je n’avais pas 24 ans quand j’ai été appelée à enseigner au Bienenberg. La demande était inattendue. J’avais étudié avec passion la théologie. Mais je n’avais pas oublié la réponse de notre pasteur, 10 ans plus tôt, à qui j’avais dit vouloir devenir pasteur. Il avait cité 1Tm. 2.12. Au Bienenberg, la tension a continué : j’ai été encouragée par ceux qui reconnaissaient mes dons et m’ont aidée à prendre de l’assurance, mais aussi confrontée à des réticences dues à la compréhension des Écritures. Seule enseignante et célibataire dans un groupe d’hommes très sûrs d’eux n’était pas facile. Ma sensibilité de femme m’a souvent desservie. Avec le recul, je pense que les difficultés rencontrées à l’époque étaient surtout liées à ma jeunesse et à mon manque d’expérience. Plus tard, dans d’autres contextes, les questions d’interprétation des textes se sont estompées. Mon ministère a perdu son caractère exceptionnel. Je me sens acceptée et reconnue.

C.S : Penses-tu que la question du ministère féminin a évolué dans nos Églises ?

Marie-Noëlle von der Recke : L’école biblique, en 1977, a fait preuve de courage en m’engageant. Cela a suscité un débat apparemment fructueux. Quand j’ai quitté le Bienenberg en 1985, il était devenu évident d’engager des femmes comme enseignantes. Entre temps, des communautés se sont ouvertes à un ministère pastoral féminin. Mais les choses ont-elles vraiment bougé ? La liste actuelle des enseignants du Bienenberg permet d’en douter.

C.S : Penses-tu que « la femme est l’avenir de l’homme » dans la vie de l’Église ?

Marie-Noëlle von der Recke : Je pense qu’hommes et femmes sont appelés à coopérer et que la mise en commun des dons selon 1Co 12 est l’avenir de l’église. Pour cela, il faut qu’hommes et femmes se reconnaissent mutuellement et voient les dons de chacun et de chacune non comme des handicaps, mais comme un enrichissement en vue du service.

Marie-Noëlle von der Recke, théologienne, Laurentiuskonvent, Laufdorf (D)
Propos recueillis par Fritz Goldschmidt

Photo : www.flickr.com
« Hommes et femmes appelés à coopérer… », comme dans un orchestre… (ici sous la direction d’un homme…)

 

40 ans plus tard, clin d’oeil à interpréter comme l’on voudra…, une autre Marie-Noëlle (Yoder) exerce la même fonction dans le même lieu ! Le vécu et le contexte ont-ils changé entre temps? Seconde interview.

C.S : Comment as-tu perçu ton appel à servir le Seigneur et l’Église en tant qu’épouse et maman ?

Marie-Noëlle Yoder : Il a toujours été clair pour moi que Dieu appelle chacun de nous à le servir : que nous soyons hommes ou femmes, mariés ou célibataires. Cela peut se faire de diverses manières et engage tout ce que nous sommes. J’ai pris l’engagement de servir le Seigneur lors de mon baptême et les choix de vie importants qui ont suivi (lieu de vie, formation, mariage et enfants) ont été faits en fonction de ce choix premier. Ce n’est qu’à mon embauche au Bienenberg et devant la réaction de certaines personnes des Églises que j’ai réalisé que le fait d’être une femme pouvait être vu comme un problème, et encore plus une femme mariée (la première au Bienenberg), avec des enfants de surcroît. Heureusement, mon service pour l’Église ne m’empêche pas d’être une maman présente pour mes enfants. Les défis sont similaires à ceux de toute maman ayant une activité à l’extérieur du foyer.

C.S : Ressens-tu un clivage entre la perception des femmes et des hommes de nos églises au sujet de ton ministère d’enseignante et de prédicatrice ?

Marie-Noëlle Yoder :Il m’est difficile de parler de ma situation en particulier, mais je constate que le clivage ne se situe pas tellement entre les hommes et les femmes, mais plutôt entre ceux et celles qui envisagent qu’une femme puisse exercer un tel ministère et ceux et celles à qui cela pose problème. L’ambivalence présente dans la plupart des Églises n’est pas toujours confortable. Cela ajoute de la pression aux femmes qui servent l’Église.

C.S : Penses-tu que « la femme est l’avenir de l’homme » aussi dans la vie et le service de l’Église ?

Marie-Noëlle Yoder : Je dirais effectivement que « la femme est l’avenir de l’homme »… et réciproquement ! En fait, je crois qu’hommes et femmes ont besoin les uns des autres, parce que ce n’est qu’ensemble qu’ils sont à l’image de Dieu (Gn 1.26). Nos Églises auraient beaucoup à gagner à gouverner ensemble pour s’enrichir dans la complémentarité. Bien souvent, les femmes perçoivent les situations et les enjeux différemment des hommes et c’est une richesse dont on aurait tort de se priver.

Marie-Noëlle Yoder, animatrice théologique, CeFoR Bienenberg
Propos recueillis par Fritz Goldschmidt

 

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