VOICI UNE LETTRE POUR TOI, MON AMI

 Dans Christ Seul

J’ai beaucoup entendu parler des réfugiés mais je n’ai pas tout entendu. Je n’ai pas entendu parler de toi. Quand mes yeux ont croisé ton regard, j’ai tout de suite été intriguée. Je pouvais voir que tu avais quelque chose à dire. Ensuite, j’ai regardé tes enfants, ta famille et tes voisins qui viennent de Syrie. Il y avait quelque chose de différent chez vous. Je voulais en savoir plus. Oh ! si seulement ils pouvaient aussi te voir !

Il ne suffisait que d’un sourire et d’un geste de la main pour que je me retrouve accueillie dans ta tente. Je me suis sentie si bien. Je sais que tu avais une grande et belle maison en Afghanistan. Cette tente n’est pas ta maison et pourtant je me suis sentie comme à la maison. Si tu penses avoir tout perdu, je peux te dire que tu as tort. Tu n’as pas perdu ton hospitalité et ton amour pour les autres. Tu es toujours toi. Oh ! si seulement ils pouvaient aussi boire une tasse de thé avec toi !

Tu avais plus que quelque chose à dire. Tu avais une histoire à partager. Quand j’ai commencé à te parler, je sais que tu espérais que je parle ta langue. C’est comme si la réalité te retombait dessus : tu n’es plus dans ton pays. Au début, c’était frustrant de ne pas parler la même langue, mais très vite j’ai compris que ça n’allait pas nous empêcher de connecter. Toi et moi nous sommes des êtres humains. Les êtres humains connectent, on a été créé comme ça. Oh ! si seulement ils pouvaient essayer !

Crédit photo : Salomé Wiedmer Légende : Camp de réfugiés

Ma définition de la communication commençait à changer. Curieusement, je pouvais te comprendre. Quelques gestes de la main, un sourire, un peu d’anglais, un peu de farsi et de la nourriture à partager : j’apprenais tout doucement à te connaître. Ensuite, tu as commencé à me montrer des photos de ta famille en Afghanistan, de l’endroit où tu travaillais, de la nourriture que tu avais l’habitude de manger. J’aimais rigoler des différences de nos cultures et découvrir nos points communs. J’oubliais presque où j’étais et avec qui j’étais jusqu’à ce que tu me ramènes à la réalité en me montrant des vidéos des bombes qui détruisaient ton pays et ton entourage. Oh ! si seulement ils essayaient d’apprendre à te connaître !

C’était le moment de t’annoncer que j’allais devoir installer une autre famille dans ta tente. J’ai dû te redire qu’il y a eu plusieurs nouveaux arrivés durant la nuit et qu’ils devaient eux aussi être logés. Tu as refusé. Tu m’as supplié de ne pas le faire. Tu as commencé à t’énerver. Tu m’as expliqué à quel point c’était déjà difficile de vivre avec deux familles dans la tente, tu m’as expliqué que ton fils avait des problèmes mentaux. Malheureusement, je n’avais pas le choix. Alors que j’avais envie de te répondre « Bien sûr que non, je ne vais pas diviser ta tente ! », je me suis rappelé soudainement la famille que j’avais rencontrée le matin. Cette famille avec cinq enfants qui grelottaient encore de leur voyage en bateau de la Turquie à ici. Ils attendaient que je leur trouve un endroit où dormir. Oh ! j’espère qu’ils n’auront jamais besoin de faire ça !

Tu as tout essayé pour me convaincre et au plus profond de moi je n’avais qu’une envie : que tu gagnes la bataille. Si seulement je pouvais te dire que j’ai trouvé un autre endroit ! Le camp est rempli et tu le sais. Je ne peux pas t’en vouloir d’être énervé. Je serais plus énervée que toi si j’étais à ta place. Une européenne de 22 ans qui te dit quoi faire. Toi qui étais un officier de police, toi qui as deux fois mon âge, toi qui es un père qui veut prendre soin de sa famille. Après des heures de discussion à la recherche d’une solution, tu as accepté. J’ai envie que tu saches que je n’ai pas l’impression d’avoir gagné. Même si tu as peut-être l’impression que tu as abandonné, tu es celui qui a gagné. Tu viens juste de loger une famille. Merci. Oh ! si seulement ils voyaient à quel point tu te bats pour ta famille !

Ensuite, je suis partie chercher des couvertures pour diviser la tente. Je n’aime pas faire ça. J’aimerais bien mettre un mur à la place pour que vous puissiez garder un minimum de votre intimité. Je sais que tu n’aimes pas quand je dis que je suis désolée, mais crois-moi, je le suis. Encore une fois tu ne m’as pas laissée mettre la couverture au milieu. Non pas parce que tu revenais sur ta décision, mais parce que tu voulais le faire à ma place. Comment ça se fait que tu ne sois pas rancunier ? J’espère que tu sais que j’apprends beaucoup de toi. Oh ! j’ai hâte qu’ils puissent te rencontrer !

Pour plus d’informations sur le travail de Salomé : sal-o-me@hotmail.fr

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