Des historiens appellent à préserver les traces du passé
« L’Église mondiale fonctionne mieux quand tous ses membres se sentent impliqués dans le partage de leurs histoires », affirme Patrick Obonde, directeur des missions au Centre Anabaptiste d’Éducation au Leadership du Kenya. Durant trois jours, 16 interventions ont fait état des sources historiques et des récits dans les Églises et organisations anabaptistes d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Nord et d’Amérique latine (les invités européens n’ont malheureusement pas pu venir).
Les questions abordées étaient complexes :
• On dit que l’histoire est écrite par les vainqueurs. Dans l’Église mondiale, la plupart des sources primaires relatant les débuts des Églises en Afrique, Asie, et Amérique latine ont été rédigées par les missionnaires venant d’Europe ou d’Amérique du Nord. Comment garder une trace de l’expérience de ceux qui ont accueilli ces missionnaires ? Comment garantir une diversité de voix dans l’histoire ?
• Qui est propriétaire des histoires ? Est-ce que les documents rédigés par des missionnaires américains ou européens appartiennent à l’agence missionnaire, même s’ils concernent des Églises fondées ailleurs ? Par exemple, quand des historiens mennonites congolais cherchent à avoir accès aux documents conservés par des organismes américains qui ont collaboré pendant des décennies avec leurs Églises, les conditions d’accès demeurent compliquées. Pourtant, ces documents concernent les mennonites congolais tout autant que les mennonites nord-américains !
• Comment garder trace des traditions orales, quand les supports digitaux sont fragiles, et si vite obsolètes ?
PRÉSERVER ET PARTAGER
Les intervenants ont parlé des ressources, des problèmes d’accès et du niveau d’engagement à préserver l’histoire qu’ils observent dans leur contexte. Bien que chacun ait soulevé des préoccupations particulières, des thèmes communs sont ressortis :
• Préserver l’histoire orale est une priorité. La numérisation des sources présente un grand potentiel en matière de conservation et d’accessibilité, mais elle nécessite également des ressources financières importantes.
• L’amour du pouvoir ou la peur de sa perte peuvent rendre difficile l’accès aux documents historiques.
• La tradition de localisme est un obstacle à la préservation. « Tout le monde se satisfait de la situation », a déclaré Ursula Giesbrecht, archiviste de la colonie de Menno à Loma Plata, Paraguay. « Il est toujours difficile de changer ses pratiques. »
UNE VISION ET DES ENGAGEMENTS
À l’issue du colloque, le groupe a rédigé une déclaration synthétisant les thèmes qui y ont été abordés. « En tant que disciples de Jésus-Christ, notre histoire nous relie, nous rappelle l’activité de l’Esprit parmi nous et nous appelle à aller de l’avant dans l’avenir », déclare-t-elle. « Les archives jouent un rôle crucial pour nous aider à comprendre l’inséparabilité des histoires de l’Église et de la mission. »
Cette déclaration affirme l’importance de l’identité historique, l’urgence de documenter les histoires et la nécessité de l’accès aux sources pour une communauté d’Églises saine. La déclaration reconnaît également les obstacles auxquels se heurtent les Églises dans la préservation et l’accès aux sources historiques, et conclut par une liste d’engagements signés par 29 participants de 12 pays.
« NOS HISTOIRES NOUS APPARTIENNENT COLLECTIVEMENT »
Selon John D. Roth, directeur de l’Institut pour l’Étude de l’Anabaptisme Mondial, l’idée du colloque est née de conversations avec Anicka Fast, une doctorante dont les recherches sur les missions mennonites au Congo ont été entravées à divers moments par un accès limité ou restreint aux archives et par la précarité de nombreux documents relatifs à l’histoire de l’Église. Avec Bruce Yoder, qui a récemment terminé un doctorat sur l’histoire des missions mennonites au Nigeria, les organisateurs ont cherché à élargir la discussion sur la préservation et l’accès, ainsi que sur la question plus large de savoir comment les récits historiques façonnent l’identité de l’Église mondiale.
Pamela Sari, une doctorante qui a fait des recherches sur l’Église Jemaat Kristen Indonesia (Église membre de la CMM en Indonésie), est optimiste quant à l’avenir des archives mennonites. « L’Église est vraiment dotée de leaders, de missionnaires, de membres, d’universitaires, d’archivistes qui se soucient profondément de son histoire. Je prie pour que Dieu continue d’augmenter notre capacité à rester ancrés dans l’amour et la vérité du Christ et de sa Parole. »
Traduction : Anicka Fast
POUR ALLER PLUS LOIN…
Le texte de la déclaration et la liste des signataires sont consultables sur le site de la Conférence Mennonite Mondiale.