Quand la Bible parle de nos émotions

 Dans Christ Seul

Les larmes sont le débordement dans la sphère consciente et relationnelle des émotions souvent contenues et maîtrisées. La survenue de larmes chez notre interlocuteur nous interpelle sur son investissement affectif qui nous avait peut-être échappé. Nous-mêmes expérimentons avec l’irruption des larmes à quel point nous sommes affectés par un vécu que nous voulions contenu dans un discours raisonné : toute la charge émotionnelle le fait chavirer.

DES ÉMOTIONS FORTES

Les larmes peuvent exprimer une joie profonde telle que Pascal la décrit : « Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais je t’ai connu. Joie, joie, joie, pleurs de joie… ». Les larmes peuvent être signe d’amour et d’intimité : « Je me recueille en Toi mon Dieu, des larmes m’inondent parfois le visage et c’est ma prière », écrit Etty Hillesum dans sa dernière lettre avant la déportation à Auschwitz. Les larmes accompagnent souvent une démarche de réconciliation, de pardon. De frères haineux qu’ils étaient, Esaü et Jacob se retrouvent et pleurent ensemble, signant là un nouvel espoir (Genèse 33.4).

Le plus souvent, les larmes sont le lot de ceux et celles que la tristesse, la souffrance, le deuil habitent comme en Lamentations de Jérémie 2.11 : « Mes yeux s’épuisent à force de pleurer (…) à cause du désastre de mon peuple, parce que des enfants et des nourrissons défaillent sur les places de la cité » et au verset 18 : « Laisse couler tes larmes comme un torrent, jour et nuit ! Ne te donne aucun répit ! »

Si les pleurs sans conteste libèrent une certaine pression et apaisent, détiennent-ils pour autant un pouvoir intrinsèque de rédemption, de transformation en soi ou autour de soi comme le suggère le Psaume 126.5 : « Ceux qui sèment avec des larmes moissonneront avec des cris de joie » ?

SE MONTRER VULNÉRABLE

Crédit photo : Carolyn

Souvent les yeux embués de larmes sont moins chargés de jugement et de savoir sur l’autre. Il est impossible de pleurer quand le cœur est endurci et qu’il fait corps avec le mal. Les larmes témoignent de notre rencontre avec plus grand que notre malheur, de la transcendance qui touche notre vie. Pour Joseph, le personnage biblique qui a sans doute le plus pleuré, les larmes sont venues en présence de ses frères et de son père à l’heure de la réconciliation et non dans les heures les plus tragiques de sa vie.

Comme le souligne Catherine Chalier¹, les larmes s’adressent toujours à un autre que soi, qu’il soit absent ou silencieux, ou encore qu’il soit inconnu. On ne pleure pas suite à un principe, mais en réponse à un visage d’amour, de tendresse. « Ne sois pas sourd à mes larmes » (Ps 39.13), ou encore la suite des versets cités en Lamentations de Jérémie 2.20 : « Regarde, Seigneur, vois…»

OMBRE ET LUMIÈRE

Jésus pleure dans l’Évangile. Il s’est fait l’un de nous : c’est par les pleurs qu’il accueille le peuple en perdition autour de lui, la mort d’un ami, la perspective de sa propre mise à mort. Déjà l’Ancien Testament nous parle d’un Dieu qui pleure. « C’est le Seigneur qui parle (…) Si vous n’écoutez pas, je pleurerai en secret à cause de votre orgueil ; je verserai des larmes, mes yeux fondront en larmes, parce que le troupeau du Seigneur sera emmené captif » (Jérémie 13.17). Les larmes de la Bible nous dévoilent un Dieu qui s’incarne dans nos vies, dans nos échecs, dans nos joies, dans nos pertes.

Est-ce que la vie se résume alors à une succession de peines et de joies, un temps pour pleurer et un temps pour rire comme l’évoque l’Ecclésiaste ? Nous sommes invités à pleurer avec les endeuillés et à rire avec ceux qui se réjouissent, même quand nos propres émotions sont décalées par rapport à ce qu’ils éprouvent. Là s’inscrit l’espérance que l’instant du rire n’est pas sans ombre et que l’instant des pleurs n’exclut pas la lumière. En ouvrant l’horizon de chacun sur celui d’autrui. Quand les larmes sont à jamais taries, c’est que nous avons abandonné toute espérance ! Ou que Dieu lui-même les aura essuyées !

¹Traité des larmes – Fragilité de Dieu, fragilité de l’âme, Paris, Albin Michel Spiritualités, 2003.

POUR ALLER PLUS LOIN…

Interview de Anne Lécu : https://croire.la-croix.com/Definitions/Lexique/Vie-spirituelle/Qu-est-ce-que-le-don-des-larmes

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