Emmanuel Macron et le « modèle amish »

 Dans Christ Seul

Quand 70 élus ont appelé à un moratoire sur l’attribution des fréquences 5G – la 5e génération de réseaux mobiles – le président de la République a ironisé sur le « modèle amish » : « J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour nous expliquer qu’il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile ! Je ne crois pas au modèle amish. Et je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine. » La France n’est pas prête à sacrifier le confort, le divertissement, la croissance ; c’est donc normal que le modèle évoqué ne « règle » rien. Mais des résistances venant de divers bords posent de bonnes questions quant au déploiement de cette technologie.

UN PEU D’HISTOIRE

Les « mennonites » français (qui étaient amish) n’ont vraiment commencé à émigrer en Amérique du Nord qu’après la Révolution française et les guerres napoléoniennes. Et ils n’ont pas disparu totalement en Europe, contrairement à ce qu’ont affirmé bien des médias. Dans les années 1690, une scission s’est produite parmi les mennonites d’Alsace et de Suisse, lorsque Jacob Amann, un jeune dirigeant du canton de Berne, mais habitant Sainte-Marie-aux-Mines jusqu’à 1712, a proposé de revenir à des fondamentaux plus frugaux et égalitaires. Bien des mennonites français en sont les descendants, empruntant au fil des siècles le chemin de la modernité, mais gardant une attention pour une vie communautaire, une direction collégiale, des élans généreux et une non-violence évangélique. Les émigrés arrivés en Amérique du Nord, n’ayant ni électricité ni voitures au 19 e siècle, ont connu une évolution propre.

UNE QUESTION DE CROYANCE

Alors 5G ou pas ? Le président Macron a raison d’évoquer la « complexité » de la question. Frédéric de Coninck¹ remarque finement que « l’évocation des amish laisse entendre qu’il y aurait en jeu une question de croyance. Et cela ne semble pas entièrement faux : croyance (presque aveugle) dans les vertus de l’innovation technologique, d’un côté, et doute de principe, de l’autre. » Les amish ne sont pas contre la technologie par principe, mais tâchent de discerner collectivement les conséquences de son usage sur le plan local d’abord. Un amish souhaite « mener une bonne vie » (« a good life ») devant Dieu le créateur. Ailleurs, on fonce tête baissée sans trop savoir au fond ce qu’est la « vie bonne » à laquelle on aspire. Comment aller vers plus de croissance, plus de compétitivité, plus d’usines avec moins d’ouvriers, plus d’exploitation, plus de contrôle, mais aussi comment imaginer la chirurgie à distance, les véhicules autonomes, les informations en temps réel sur ce qui se passe dans un espace donné, le temps de téléchargement d’un film, etc. ?

PRINCIPE DE PRÉCAUTION

Des craintes légitimes s’expriment par rapport à la santé (l’impact sur le cerveau, la peau, la vue et l’ouïe) et l’environnement (les insectes, les ressources et la consommation d’électricité, etc.). La France va plus vite que certains cantons de Suisse, qui attendent les analyses d’institutions indépendantes : simple principe de précaution. Les résultats nous éclaireront, mais en 2021 la mise en place sera avancée… Si les effets s’avèrent désastreux, à défaut de revenir à « la lampe à huile », on pourra revenir à la bonne vieille liaison par câble.

Pour aller plus loin…

Il existe des livres sérieux en langue française comme les actes du colloque de Sainte-Marie-aux-Mines de 1993, édités par Lydie Hege et Christoph Wiebe (Les Amish – Origine et particularismes 1693-1993, AFHAM), mais aussi de sociologues comme John Hostetler, Steven Nolt, Donald B. Kraybill, et les livres de Catherine et Jacques Légeret, Fritz Plancke, ouvrages généralement accessibles à l’AFHAM (Association française d’histoire anabaptiste-mennonite, cf. https://histoire-menno.net), sans oublier l’excellent roman historique de Marie Kuhlmann (Les frères amish, Presses de la Cité, 2013) et le collectif remarquable : Quand le pardon transcende la tragédie. Les amish et la grâce (Excelsis, 2014).

¹https://societeesperance.home.blog/2020/09/30/la-5g-et-les-amish/

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