Une action sociale enracinée dans une Église locale

 Dans Christ Seul

Durant l’hiver 1984-1985, un jeune sans-abri meurt de froid dans un hangar à Sochaux. Un ancien de l’Église mennonite de la Prairie interpelle l’assemblée sur la responsabilité des chrétiens dans un tel drame. Une prise de conscience a lieu. En décembre 1985, alors que débute un deuxième hiver très froid, un travail de compassion auprès des plus démunis se met en place dans les locaux de l’Armée du Salut à Montbéliard : il s’agit de servir des repas chauds à midi. Plusieurs communautés chrétiennes de la région, dont l’Église mennonite, unissent leurs efforts dans ce travail destiné à une quarantaine d’usagers.

UN ABRI POUR LA NUIT

Pendant l’hiver 1987-1988, une jeune fille fait un stage auprès de la police à Montbéliard. Elle choisit de travailler avec la brigade de nuit. Lors de l’une des rondes, un policier fait remarquer que ce sont les policiers qui s’occupent des sans-abris, les emmenant s’abriter au commissariat ou à l’hôpital pour se faire soigner. Pendant ce temps, dit-il, les chrétiens font de beaux discours bien au chaud. La jeune fille rapporte cet échange à l’Église de la Prairie dont elle est membre. Quelques personnes se mobilisent pour chercher à relever le défi.

Dès l’hiver suivant, la Prairie loue un logement dans un foyer pour travailleurs. Des gardes de nuit sont assurées avec la collaboration d’autres communautés évangéliques de l’agglomération. Une trentaine de bénévoles se relaient, nuit après nuit, pour assurer l’accueil, l’écoute et une présence. La Prairie règle les frais de loyer et de nourriture.

À compter de la saison hivernale 1994-1995, les services sociaux de la ville prennent le relais de l’asile de nuit. L’Église mennonite décide alors de ne plus participer à cet hébergement d’urgence hivernal. Les « Restaurants du Cœur » ouvrent une antenne à Montbéliard, poussant l’Église à se retirer de la prestation des repas de midi.

L’ACCUEIL EN JOURNÉE

Hébergement social : animation en soirée avec repas en commun entre bénévoles et résidents (Crédit : Adeline)

Mais au long des années d’accueil hivernal, la réflexion de l’Église s’était poursuivie. Les sans-abri, accueillis la nuit, errent dans les rues pendant la journée. S’il est parmi eux des « clochards professionnels », il est aussi des jeunes rejetés de leur famille, des femmes renvoyées par leur conjoint, des personnes démunies dans la jungle de la société. La nécessité d’envisager un hébergement de secours fait surface.

À Noël 1993, une maison attire l’attention de responsables de l’Église dont les locaux ne sont situés dans le même quartier de La Prairie. Avec 600 m² répartis sur trois niveaux et 500 m² de terrain, ce bâtiment semble pouvoir être une réponse aux interrogations en cours. De nombreuses réunions ont lieu afin de tracer les contours d’un nouveau projet tourné vers les déshérités. En février 1994, une assemblée générale extraordinaire de l’association cultuelle approuve le projet dans son principe avec une écrasante majorité. Des groupes de travail sont constitués, une association (Maison d’Accueil de la Prairie) est créée et des promesses de dons à hauteur de 600 000 francs sont enregistrées en vue de l’acquisition de la maison. L’acte est signé en janvier 1995. Les travaux commencent avec les bénévoles de l’association, puis des entreprises prennent le relais.

SANS-ABRI ET DEMANDEURS D’ASILE

La « Maison d’Accueil de la Prairie » (MAP pour les intimes) va ainsi se transformer avec un rez-de-chaussée consacré à l’accueil et deux étages avec 12 studios ainsi qu’un logement pour un permanent. Le financement de l’opération sera couvert grâce aux dons et à des subventions des collectivités. En mars 1996, les premiers locataires sont accueillis. Un accueil de jour tenu par des bénévoles se met en place les après-midi de semaine dans la salle du rez-de-chaussée. Les deux premiers salariés sont embauchés.

Au printemps 2002 une nouvelle maison est achetée sur les fonds associatifs afin d’y loger des familles de demandeurs d’asile, suite à une demande de la DDASS pour faire face à l’arrivée de familles de Bosnie. En 2007, le CADA local augmente sa capacité d’accueil et les besoins en hébergement de demandeurs d’asile se révèlent moins criants. Le conseil d’administration de l’association répond à une demande du CCAS qui souhaite ouvrir un abri de nuit pour des SDF. Après des travaux d’adaptation la maison est louée et les premiers SDF sont accueillis fin 2008.

Depuis septembre 2012, un aumônier bénévole intervient auprès des résidents de la MAP et des usagers de l’accueil de jour, en complément des salariés et des bénévoles d’animation, pour répondre aux préoccupations existentielles et spirituelles.

RÉPONDRE AUX NOUVEAUX BESOINS

En 2015, la MAP répond à une demande de la préfecture en ouvrant un service de restauration à midi à destination des SDF qui ont passé la nuit à l’abri de nuit. Des bénévoles assurent le service pendant quatre ans jusqu’à l’arrivée d’un salarié.

Durant l’automne 2016, suite au démantèlement de la « jungle de Calais », les autorités font appel aux associations pour venir en aide aux migrants. Des bénévoles se mobilisent pour donner des cours de français. Ils organisent aussi des repas en commun, réparent et offrent des vélos à certains. La MAP porte cette action en partenariat avec le CADA de Montbéliard.

Au printemps 2020, avec la crise sanitaire de la Covid-19 et le retrait forcé des bénévoles, les salariés prennent l’initiative d’ouvrir l’accueil de jour dès le matin pour permettre aux personnes SDF d’être confinées dans de bonnes conditions. Fin 2020, la préfecture sollicite la MAP afin d’organiser de manière pérenne un accueil de jour complémentaire à l’abri de nuit. Pour répondre à ce nouvel objectif, le service est professionnalisé avec l’embauche d’animateurs.

OÙ EN SOMMES-NOUS AUJOURD’HUI ?

Accueil de jour : animation autour du babyfoot (Crédit : Adeline)

Les bénévoles reviennent timidement. Se pose la question du renouvellement des générations et d’un nouvel élan après la cassure Covid et l’évolution du public accueilli vers des situations plus complexes de personnes souvent profondément désocialisées. De nouveaux défis… Dans le même temps, l’action sociale de la Prairie s’est diversifiée en direction de Bethoncourt-Champvallon avec d’autres modes d’intervention sociale depuis bon nombre d’années, et avec le partenariat de la mission américaine Multiply.

Ce bref historique nous permet de mettre en valeur les caractéristiques qui ont animées l’action sociale de l’Église de la Prairie :

•Une attention aux besoins tels que ressentis dans l’environnement
•Une capacité à se laisser interpeller et à accepter de sortir de sa zone de confort
•L’ouverture à la collaboration avec les autres Églises
•Un engagement massif des bénévoles dans la durée et des donateurs à des moments décisifs
•Une acceptation de l’institutionnalisation sans se démobiliser (action centrée sur l’usager)
•Un partenariat dynamique entre l’association et les autorités locales et départementales
•La richesse d’une assise historique des mennonites dans le Pays de Montbéliard
•La capacité de s’adapter à un environnement sans cesse en évolution
•Des valeurs, des objectifs, sans cesse à reformuler, rien n’est définitivement acquis
•L’enracinement de la réflexion dans l’expérience acquise.

Que nous puissions continuer à manifester de manière permanente la grâce bienveillante de notre Dieu !

 

 

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