Fin de vie : levons les ambiguïtés !

 Dans Christ Seul

Au moment où tout est fait pour légaliser l’euthanasie ou le suicide assisté en France, il est primordial d’éclairer le débat et de lever ambiguïtés, amalgames et dérives.

AMBIGUÏTÉ DES CONCEPTS

Tout concept sans cesse remanié n’est que manipulation pour embrouiller le citoyen et le préparer à la légalisation de l’euthanasie. Ainsi ses promoteurs emploient-ils de multiples qualificatifs visant à la présenter sous un jour de plus en plus acceptable (« euthanasie active », « passive », « délivrance », « d’exception »…) alors qu’elle reste le geste délibéré qui provoque la mort. Ils passent aussi par les coulisses de la sédation. Là encore, en cherchant à passer d’un concept palliatif à celui de la sédation profonde continue jusqu’au décès, qui, mal compris ou détourné, flirte sérieusement avec l’euthanasie.

Rappelons ici que l’intention du geste et sa réversibilité permettent de différencier totalement les concepts d’euthanasie et de soins palliatifs. 99 % des demandes d’euthanasie sont sous-tendues par la peur de souffrir et/ou la peur de l’acharnement. Les traitements actuels et la loi Claeys-Léonetti permettent de répondre à ces peurs sans aucun recours à l’euthanasie.

AMBIGUÏTÉ DES POLITIQUES

Dans une société où l’argent est roi, la tentation d’euthanasie économique est grande. C’est la volonté de tout maîtriser et la non-acceptation de la mort qui amènent aux acharnements qui, eux, coûtent très cher. Jamais la dégradation des soins n’a été aussi flagrante dans notre pays.

Le président Macron a lancé une convention citoyenne sur la fin de vie. Sa culture du « en même temps » l’amène à vouloir développer l’accessibilité aux soins palliatifs tout en envisageant une « nouvelle voie éthique d’aide active à mourir ». Notons que c’est exactement ce que prône l’ADMD, association pro-euthanasie très active. Des ministres, des parlementaires envisagent la légalisation de l’euthanasie comme « une des dernières libertés à conquérir ».

Nous sommes passés d’une ère de la solidarité, qui fondait jusqu’à présent le soin, à celle de la liberté. J’ai le droit à… C’est ma vie… et les conséquences sur les autres, ce n’est pas mon problème.

Avant de vouloir promulguer une nouvelle loi, il faudrait déjà appliquer celles qui existent (Loi Kouchner 1999 qui déclare que « tout patient qui en requiert à droit à des soins palliatifs et un accompagnement » et loi Claeys-Léonetti 2016). C’est le manque d’accessibilité aux soins palliatifs qui fait le lit de l’euthanasie et des sédations mal comprises. Les derniers chiffres de l’Inspection générale des affaires sociales rapportent que seul un tiers des patients relevant de soins palliatifs y ont accès. Nous sommes bien des hors-la-loi !

AMBIGUÏTÉ DES SOIGNANTS

Crédit–@Lifestylememory

Prendre soin et tuer sont incompatibles ! La seringue qui soigne ne peut pas être aussi celle qui tue. Toute transgression est une trahison.

Je ne connais que les vivants et les morts : les mourants n’existent pas. Mourir, c’est encore vivre, un mois, une semaine, un jour. Tout l’objet des soins palliatifs est de pacifier cette fin de vie, de reconnaître en ce malade meurtri, dépendant, épuisé, un être humain. Si les conditions de soins sont malheureusement parfois indignes, le malade, lui, restera toujours digne d’être respecté et soigné ! Et si l’euthanasie fait de la mort un fait maîtrisé, les soins palliatifs en font un événement où l’inventivité, la surprise et la déprise ont toute leur place.

AMBIGUÏTÉ DES RELIGIEUX

Si les principales religions rejettent l’euthanasie et prônent les soins palliatifs, on note cependant quelques nuances. Acceptation de la notion d’euthanasie d’exception dans le bouddhisme, tendance à l’acharnement dans le catholicisme, possibilité d’une transgression permettant l’assistance médicalisée dans le protestantisme, le courant libéral prônant volontiers la responsabilité individuelle. Mais si les religieux peuvent être ambigus, la Bible ne l’est pas : « Tu ne tueras point », « J’ai mis devant toi la vie et la mort ; choisis la vie ». Le Coran n’est pas en reste : « C’est Allah qui me fera mourir puis me redonnera la vie. »

Avant de conclure, permettez-moi quelques réflexions du médecin palliatologue chrétien. Être chrétien, c’est aussi peser sur les choix de notre société. Au minimum, en priant. Permettez-moi aussi de paraphraser le passage de Matthieu 25.37 : « À chaque fois que vous m’avez lavé, retourné, changé, soigné, c’est à moi que vous l’avez fait. » Pas besoin de prosélytisme pour être en accord avec sa foi. À chaque fois qu’un aveugle, un sourd ou un lépreux s’est trouvé face à Jésus, il ne leur a pas imposé de discours mais a mis ses mains sur leur corps, a pris soin d’eux. Prier, se taire, tenir une main, regarder, écouter, remettre quelqu’un à Dieu, voilà quelques exemples concrets où une règle s’impose : ne jamais s’imposer !

Après avoir accompagné des centaines de malades en fin de vie, je peux affirmer qu’il ne faut surtout pas réduire ou supprimer ce temps de vie. C’est là que tombent les masques, que se jouent les réconciliations, avec soi-même, avec son entourage, avec Dieu. Le corps meurtri engendre souvent un supplément d’âme et d’esprit. Comme pour Jésus, les derniers instants de vie pourront être difficiles mais faisables, dans l’acceptation, parce que je sais que ma mort n’est pas finitude mais passage dans l’éternité.

 

Pour aller plus loin…

Luc Olekhnovitch et Bernard Wary, Bioéthique et fin de vie – Témoignages commentés, Éditions Mennonites, Dossier de Christ Seul 3/2020

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