Le disciple bien-aimé

L’apôtre Jean, fils de Zébédée, frère de Jacques, est un personnage central dans les synoptiques. Il est mentionné par son nom 20 fois et figure parmi les premiers disciples appelés par Jésus. Avec son frère Jacques et Simon Pierre, Jean fait partie d’un cercle intime que Jésus a choisi pour vivre trois expériences en l’absence des autres disciples : la résurrection de la fille de Jaïrus, la gloire de Jésus lors de sa transfiguration, et son agonie dans le jardin de Gethsémané.

ÉNIGMATIQUE

Cependant, et très bizarrement, il n’est jamais mentionné par son nom dans le quatrième évangile, livre associé à son nom selon la tradition de l’Église. Il n’apparaît qu’avec son frère dans la liste des sept disciples qui, après la résurrection de Jésus, partent à la pêche et voient Jésus en Galilée (« les fils de Zébédée », Jn 21.2). Même si le texte du quatrième évangile ne le spécifie pas explicitement, la tradition de l’Église identifie le personnage énigmatique du « disciple bien-aimé » à Jean, fils de Zébédée. Si ce rapprochement est juste, que pouvons-nous savoir de ce disciple que Jésus aime ?

Prenons toutes les références au disciple bien-aimé :

• Il s’est penché sur le « sein » de Jésus lors du repas dans la chambre haute (13.23,26). Le « sein » est la place d’intimité et de tendresse. Ce même mot est employé dans le prologue de Jean pour dire que Jésus est dans le « sein » du Père (1.18).

• Il est présent à la crucifixion et Jésus lui confie sa mère (19.26-27). Il fait partie de la famille et n’abandonne pas Jésus. Il est un témoin fidèle (19.35).

• Il court au tombeau avec Pierre le matin de la résurrection (20.2,8). Il est le premier à croire sans voir le Christ ressuscité. Le disciple bien-aimé perçoit la possibilité de vie dans une situation de mort.

• À cause de cette relation intime, il est le premier à reconnaître Jésus qui se tient sur le rivage lors de la pêche miraculeuse (21.7).

• Il est la source du récit et se porte garant de sa véracité (21.20,24).

UNE INTIMITÉ PROFONDE

Bien que personnage historique, le « disciple que Jésus aime » a une portée symbolique dans l’évangile de Jean. Il incarne le disciple idéal, le disciple par excellence. L’anonymat de ce disciple sous le nom du « disciple bien-aimé » aide les lecteurs à s’identifier à lui. Nous ne connaissons rien de sa famille, sa situation sociale… Nous savons seulement qu’il reçoit l’amour de Jésus et a une relation de grande proximité avec lui. Il perçoit Dieu à l’œuvre. Il perçoit la présence ressuscitée de Jésus et il est un témoin fidèle.

L’évangile de Jean souligne l’intimité entre le Père et le Fils, plus que n’importe quel autre évangile. C’est le seul évangile à décrire cette relation comme un amour réciproque (le Père aime le Fils et le Fils aime le Père), une vie mutuelle (« je suis dans le Père et le Père est en moi »), et une connaissance réciproque (« comme le Père me connaît et comme je connais le Père »). Ces mots décrivent cette intimité profonde entre le Père et le Fils.

COMME LE CEP ET LE SARMENT

crédit: mokngr

Alors, il n’est pas étonnant que Jésus utilise le modèle de sa relation avec son Père pour décrire aussi cette intimité profonde entre lui-même et tous ses disciples. Tout comme le Père est dans le Fils, maintenant le Fils est dans les disciples (14.20; 17.21,23). Tout comme le Père et le Fils s’aiment, le Fils et le Père aiment les disciples (15.9 ; 17.23). L’image du cep et des sarments évoque aussi cette intimité (15.5). Comme le sarment est dans le cep et le cep est dans le sarment, comme le cep et le sarment ne font qu’une plante, une vie, le disciple est uni inséparablement au Fils. Comme le Père et le Fils ne font qu’un, une même vie, le disciple est uni au Fils.

Pour Jean, ce qui compte, ce n’est ni la fonction ni le rang, ni que l’on figure au palmarès des disciples parfaits. L’exemple de Pierre le montre bien avec ce triple « Oui, Seigneur, je t’aime » (21.15-17). Mais c’est le disciple bien-aimé qui incarne, qui est le summum et le modèle de cette relation d’intimité entre Jésus et n’importe quel disciple… même ceux et celles d’aujourd’hui.