Qui sont ces mennonites boliviens qui parlent le bas allemand ?
Le film oscarisé Women Talking – Ce qu’elles disent en version française – a tragiquement mis les colonies conservatrices de Bolivie sous le feu des projecteurs. Qui sont ces mennonites vivant en communauté fermée ?
120 COLONIES
C’est dans les années 1950 que les premiers groupes ont commencé à s’installer en Bolivie. Ils venaient du Chaco paraguayen et du Chihuahua mexicain. À la même époque, un autre groupe important s’est installé au Belize, qui s’appelait alors le Honduras britannique. Aujourd’hui, il y a environ 120 colonies ou établissements mennonites, avec une population totale d’un peu plus de 100 000 personnes, rien qu’en Bolivie. La plupart d’entre eux vivent dans la province de Santa Cruz, mais au cours des deux dernières décennies, certains ont migré vers d’autres provinces du pays.
Une colonie mennonite typique comprend une douzaine de villages. Chaque village compte entre 15 et 20 familles qui vivent d’une agriculture mixte. Chacune possède quelques vaches, des poulets, des chevaux et de grands champs. Chaque agriculteur a 20 à 50 hectares de terres dans le village même et peut également posséder ou louer d’autres terres à l’extérieur du village. Les communautés sont très autonomes, elles produisent ce dont elles ont besoin. Les garçons et les hommes travaillent à la ferme et aux champs. Les filles et les femmes s’occupent des enfants, de la maison et du jardin. Seuls les hommes ont des contacts avec des personnes étrangères à la communauté, ils peuvent ainsi avoir l’occasion d’apprendre la langue du pays – l’espagnol en Bolivie.
L’ÉGLISE ET L’ÉCOLE
La plupart des colonies de Bolivie appartiennent à une branche de l’Église mennonite connue sous le nom de Vieille Colonie, l’un des groupes mennonites les plus conservateurs. L’Église est dirigée par un évêque, étroitement soutenu par d’autres pasteurs et diacres élus. Ces responsables exercent leur ministère à vie.
En Bolivie, ces mennonites se déplacent pour la plupart à cheval et en buggy, ils n’ont pas l’électricité et s’abstiennent d’utiliser l’électronique, Internet ou d’autres technologies similaires. Dans d’autres pays, comme le Mexique et le Paraguay par exemple, certaines Églises Vieille Colonie autorisent l’utilisation de ces technologies.
Chaque village possède une école, toujours au centre du village, avec une classe unique. Un ou deux enseignants sont chargés de tous les niveaux dans une seule salle. Les enfants vont généralement à l’école de 7 à 13 ans. Ils y apprennent la lecture, l’écriture, le chant, les mathématiques, et reçoivent un enseignement biblique et religieux. On attend des enfants qu’ils soient capables de réciter l’intégralité du catéchisme lorsqu’ils quittent l’école. La plupart des documents utilisés sont de nature religieuse : l’Ancien et le Nouveau Testament, le catéchisme, le livre de chants, qui est également utilisé à l’église, et quelques autres documents. L’enseignement est entièrement dispensé en allemand ou en bas allemand.
UNE COMMUNAUTÉ UNIE
La plupart des communautés mennonites de Bolivie ne perçoivent pas d’aide du gouvernement et ne sont pas intégrées dans le système social ou de santé du pays. Lorsqu’une personne tombe malade et a besoin de soins médicaux, la communauté se mobilise. Leur mode de vie est fondé sur l’entraide, l’esprit de service et la compassion. Pour elles, « chaque maison est un hôtel » : c’est une réalité, je peux témoigner qu’elles sont incroyablement accueillantes.
En cas de tensions ou de différends, les mennonites ne recourent généralement pas au système judiciaire du pays. Ils essaient de résoudre les problèmes en interne, avec l’aide de l’évêque, des pasteurs, des responsables politiques de la colonie (appelés Vorsteher) et des chefs de village (Dorfschulzen). Les mennonites boliviens se méfient des avocats, des juges et du système judiciaire de l’État. Cette méfiance découle en partie de la corruption dont ils ont été victimes par le passé et des pots-de-vin qu’ils ont souvent été contraints de payer.
LE SCANDALE
En 2009, huit garçons et hommes mennonites, originaires pour la plupart de la colonie du Manitoba, ont été arrêtés, jugés et finalement emprisonnés pour de multiples viols commis au sein des colonies. Ces faits historiques constituent la base du roman Woman Talking de l’autrice canadienne Miriam Toews. Au moins une poignée de ces hommes et de ces garçons sont toujours détenus au pénitencier de Palmasola après avoir été condamnés à 25 ans de prison.
KENNERT GIESBRECHT est le rédacteur en chef de Die Mennonitische Post
Die Mennonitische Post est une publication du Comité central mennonite destinée aux communautés mennonites germanophones d’Amérique du Sud.