Quelle prédestination ?

Comment comprendre la prédestination ? On touche au mystère de Dieu… tout en ayant parfois des avis très tranchés. Présentation des positions en présence. Arguments pour une compréhension de type communautaire : Dieu avait prévu l’union des juifs et des non-juifs en Jésus.

Election, prédestination : un sujet difficile… Il valait bien la peine de consacrer à ce thème une des journées des « Chapitres disputés de la Bible » ! Le texte choisi à cette occasion était celui d’Ephésiens 1,4-14, un texte clé dans le débat.

POSITION CALVINISTE

« Dieu nous a élus, prédestinés », dit Paul… Mais de quel type d’élection / prédestination s’agit-il ? La position calviniste voit une élection à la fois individuelle et inconditionnelle, en vue du salut : dans la masse perdue de l’humanité, Dieu a, dans sa souveraineté, choisi de sauver un certain nombre d’individus en leur accordant sa grâce.

POSITION ARMINIENNE

La position arminienne *, elle, garde la perspective individuelle, mais rejette l’aspect inconditionnel : Dieu choisit, certes, mais sur la base de la décision de foi de l’homme, une décision qu’il connaît de toute éternité et qui lui permet de « choisir » ceux dont il a vu avant même qu’ils n’existent qu’ils se tourneraient vers lui.

PRÉDESTINATION COLLECTIVE

Dans des temps plus modernes, et peut-être face à la stérilité du débat entre ces deux positions prédominantes, sont apparues des interprétations cherchant à mettre davantage en avant l’aspect collectif de l’élection / prédestination. Ainsi Karl Barth : en Jésus-Christ, Dieu a choisi l’homme (au sens collectif d’humanité), il s’est déterminé en faveur de l’homme pécheur en le destinant à lui appartenir. Chaque être humain est donc à la fois réprouvé et élu, l’ardent désir de Dieu étant que le réprouvé croie et devienne un « réprouvé élu ». Est-ce à dire que nous serons finalement tous sauvés ? Barth ne le dit pas… Mais il ne dit pas non plus le contraire ! C’est peut-être là ce qui a motivé d’autres auteurs à réfléchir différemment à la notion d’une élection collective.

COMMENT LIRE ÉPHÉSIENS 1, 4-14 ?

Comment, face à toutes ces interprétations, lire Ephésiens 1,4-14 ? Voici quelques-unes des questions auxquelles nous avons tenté d’apporter des réponses : quelle est la dynamique du texte ? La perspective est-elle individuelle, collective ? Quel est le thème central ? L’idée de sélection est-elle présente ? Le passage est dense : en grec, une seule phrase des versets 3 à 14 ! Il est cependant possible d’y voir deux parties. Les versets 4 à 10 détaillent le plan de Dieu depuis son origine (le choix d’un projet pour l’humanité, v. 3-6) à son accomplissement (la récapitulation en Christ de toutes choses, v. 9-10 ), avec le moyen rendant possible cet accomplissement malgré la chute (l’oeuvre de rédemption du Seigneur Jésus, v. 7-8). Suivent les versets 11 à 14, qui décrivent ou plutôt annoncent la concrétisation dans le temps présent de ce projet éternel de Dieu : l’unité créée par Dieu en Jésus-Christ entre les juifs et les païens, à savoir les deux parties de l’humanité symboles à cette époque de tous les antagonismes. Cette unité est la forme prise dans le présent de la récapitulation en Christ de toutes choses. L’Eglise locale, le lieu où est vécue une telle unité, réunion de tous les antagonismes, devient la manifestation visible de la réalisation du plan choisi et déterminé par Dieu de toute éternité…

JUIFS ET NON-JUIFS EN JÉSUS : PRÉDESTINÉS

Ainsi, la dynamique du passage met en évidence que le but du propos sur l’élection et la prédestination n’est pas de dire « qui est dedans et qui ne l’est pas », mais d’affirmer que tous, juifs et païens, croyants de plus longue date ou plus jeunes dans la foi, constituent désormais le peuple que Dieu s’est choisi. Et ceci, en conformité avec le plan déterminé par Dieu de toute éternité. La bonne nouvelle de la lettre aux Ephésiens, c’est que ce plan se réalisera, malgré la chute… Telle est la véritable mesure de la grâce merveilleuse de Dieu : non pas la sélection de quelques individus, mais le fait qu’en Christ, désormais, Dieu embrasse ceux qui jusque là étaient exclus. On comprend, dès lors, l’appel à « célébrer la gloire de sa grâce » !

* ARMINIEN
A ne pas confondre avec arménien ! Se réfère à Jacob Armenszoon, dit Arminius (1560- 1609), pasteur néerlandais, qui, chargé de défendre la position calviniste de la prédestination, s’est rallié à la position opposée.

ÉLUS ET PRÉDESTINÉS
« 4 En lui Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et sans défaut devant lui. 5 Dans son amour, il nous a prédestinés par Jésus-Christ à être adoptés, selon le dessein bienveillant de sa volonté, 6 pour célébrer la gloire de sa grâce qu’il nous a accordée en son bien-aimé. 7 En lui, nous avons la rédemption par son sang, le pardon des péchés, selon la richesse de sa grâce 8 que Dieu a répandue abondamment sur nous en toute sagesse et intelligence. 9 Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le bienveillant dessein qu’il s’était proposé en lui, 10 pour l’exécuter quand les temps seraient accomplis : réunir sous un seul chef, le Christ, tout ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre. 11 En lui, nous avons aussi été mis à part, prédestinés selon le plan de celui qui opère tout selon la décision de sa volonté, 12 afin que nous servions à célébrer sa gloire, nous qui d’avance avons espéré en Christ. 13 En lui, vous aussi, après avoir entendu la parole de la vérité, l’Évangile de votre salut, vous avez cru et vous avez été scellés du Saint- Esprit qui avait été promis, 14 et qui constitue le gage de notre héritage, en vue de la rédemption de ceux que Dieu s’est acquis pour célébrer sa gloire. » ÉPHÉSIENS 1,4-14