Si j’étais président… – Mes 20 propositions, par Christophe Hahling
Nouvelle semaine, nouvelle entrée, la sixième, dans cette série d’articles. Par Christophe Hahling, pasteur de l’Eglise Evangélique Baptiste de l’Orléanais (FEEBF) à St Jean de la Ruelle, membre de divers comités (ABEJ-Nationale, Défi Michée, Artisanat-SEL, groupe de travail FPF sur justice restaurative, Commission d’entraide auprès des détenus et de leurs familles).
Voici 20 propositions que je souhaiterais mettre en place, si j’étais élu président de la République française, tout en étant bien conscient que rien n’est simple, et que tout cela est aussi tributaire d’hommes et de femmes, d’institutions en place, et par conséquent que nous ne pouvons pas nous prévaloir d’être celui qui peut si facilement réaliser tout cela. Donc de l’humilité dans ces propositions, mais aussi la conviction qu’elles sont justes, honnêtes, souhaitables, et nécessaires pour une vie harmonieuse en société, tout en sachant qu’il y en aurait encore bien d’autres qui devaient être nécessaires. Il n’y a pas de hiérarchie d’importance dans l’ordre de ces 20 propositions.
Education
1. Afin de lutter contre l’échec scolaire et permettre à des jeunes pour qui l’école est une corvée, favoriser davantage l’accès à l’apprentissage de métiers manuels ou de services à la personne, très utiles et vitaux pour notre vie en société.
2. Supprimer un certain nombre de grandes écoles, très élitistes et souvent réservées soit surtout aux riches soit aux jeunes dont les parents ont une bonne situation professionnelle. Par ailleurs, réformer l’université et permettre à ceux qui font cinq ans d’étude après le bac dans des écoles spécialisées d’être officiellement reconnus comme bac + 5 pour un niveau d’études semblable.
3. Réformer la formation professionnelle des professeurs des écoles en leur permettant d’avoir davantage d’enseignement pédagogique concret et davantage d’expérience pratique sur le terrain (dans des classes), avant d’être confrontés tout seuls aux élèves. D’autre part, revaloriser le métier si essentiel d’enseignant dans notre société, en ne permettant pas à certains parents de parfois les mépriser ou les dévaloriser. Augmenter également les rémunérations des enseignants, eu égard à leur formation académique et à leurs responsabilités importantes et décisives vis-à-vis de la jeune génération.
Social et humanitaire
4. Augmenter les aides de l’Etat et des collectivités territoriales aux associations et organismes qui aident les personnes en grande précarité, afin de leur permettre de continuer leur mission si précieuse envers cette frange toujours plus nombreuse de la population. D’autre part, simplifier les constitutions de dossiers pour une demande de logement, de travail, ou d’autres aides importantes et vitales, pour quiconque veut vivre dignement dans notre pays.
5. Etre beaucoup plus humain et généreux dans l’accueil des étrangers venus sur notre territoire, en évitant la stigmatisation envers telles ou telles catégories de personnes venues de l’étranger qui, pour l’immense majorité, ont fui leur pays d’origine soit pour raison politique ou économique ou même de persécution, et qui ne demandent qu’une chose : pouvoir s’intégrer dans notre pays, pouvoir se former et former leurs enfants, pouvoir travailler honnêtement, et pouvoir être logées dignement. Ne pas mettre systématiquement des bâtons dans les roues aux associations ou organismes qui leur viennent en aide, et ne pas les faire attendre si longtemps avant de leur donner une régularisation.
6. Consacrer un budget beaucoup plus important que les 0,4 voire 0,5 % actuels pour l’aide publique au développement en faveur des pays pauvres. Privilégier le co-développement en faveur de ces pays, et veiller à ce que l’aide parvienne bien aux populations qui en ont besoin, et non dans les poches de certains de leurs dirigeants, souvent grandement corrompus.
7. Renoncer enfin à la Françafrique, forme prolongée du colonialisme dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Ne plus s’immiscer dans les affaires internes à ces pays en ne soutenant pas certains groupes politiques au détriment d’autres, quand ils essaient de mettre en place ou de prolonger une démocratie.
8. Renoncer à s’engager dans une quelconque guerre dans un pays étranger (ou même le nôtre), et ne plus livrer des armes aux pays qui les utilisent de toute façon souvent pas seulement pour se défendre, mais aussi parfois pour la répression ou la conquête de nouveaux territoires.
Transparence et équité
9. Lutter d’une manière claire et résolue contre les paradis fiscaux. Mettre en place des mesures qui obligent les industries extractives à la transparence, afin de permettre aux pays pauvres mais dont le sous-sol est riche de réellement de pouvoir bénéficier de leurs ressources, ceci pour en faire bénéficier leur population. Par tous les moyens de pression, persuasion, etc., essayer de lutter contre la corruption, qui sévit dans beaucoup de pays en voie de développement, mais aussi en France et en Europe.
10. Supprimer les niches fiscales, qui permettent à des gens déjà aisés de pouvoir être exonérés d’impôts et taxes, et renforcer le contrôle dans ce domaine. Mettre un plafond dans les rémunérations parfois exorbitantes des dirigeants de grandes groupes industriels ou autres grands patrons, et revaloriser les salaires des ouvriers et employés dans les entreprises, par l’augmentation du Smic horaire. Réguler considérablement les indemnités de départ à la retraite de ces grands patrons, et redistribuer plus équitablement les bénéfices des entreprises.
11. Diminuer considérablement les rémunérations du président de la République, des ministres, des députés et sénateurs, y compris européens, afin de 1°) économiser beaucoup d’argent, et 2°) servir d’exemple pour le reste de la population.
12. Après diffusion du rapport annuel de la Cour des comptes, mettant en évidence de nombreux gaspis scandaleux dans notre pays dans différentes sphères de l’Etat ou des collectivités territoriales, se donner les moyens d’enrayer cela. Pour ce faire, mettre en place des missions concrètes de chasse aux gaspis, même si certains tabous doivent être levés. Ensuite, redistribuer l’argent économisé en faveur des personnes qui en en ont le plus besoin et en grande précarité.
Environnement et mode de vie
13. En matière énergétique, encore davantage encourager le recours à des énergies propres (solaire, pompes à chaleur, bois, éolienne, etc .), et progressivement réduire la part d’énergies fossiles (pétrole, gaz) ou nucléaires en France.
14. Revoir structurellement notre mode de vie, nos habitudes de consommation, nos ‘besoins’, et les faire progressivement évoluer vers une ‘sobriété heureuse’, le contentement d’une vie modeste sans être pauvre, où les mots ‘altruisme’, ‘solidarité’, humilité’, ‘transparence’, ‘honnêteté’, prennent tout leur sens et toute leur place. Renoncer à la philosophie du ‘toujours plus’, mais aussi de la comparaison, de l’élitisme, de la compétition constante, aussi bien dans le domaine économique que dans le monde scolaire, professionnel ou de voisinage.
Justice
15. Revoir le système actuel de la justice dans notre pays. Permettre que les victimes et les infracteurs puissent se rencontrer, dans la philosophie de la justice restaurative, qui n’existe pratiquement pas en France. Ceci dans le but de restaurer les relations entre toutes les parties en conflit (les victimes, les infracteurs, les membres des familles, la société), et de permettre à la paix sociale de revenir.
16. Réduire les délais de l’instruction judiciaire, permettre à la justice d’être plus équitable, et ne pas infliger le système de la double peine pour les étrangers ayant commis un délit (exclusion du territoire après avoir purgé une peine de prison). Permettre une réelle réinsertion pour les détenus sortant de prison, et ne pas systématiquement infliger une peine plancher comme actuellement, mais juger justement sans a priori et arrière pensées les faits délictueux commis.
17. Mettre beaucoup plus d’accent sur la prévention de la délinquance, que sur la répression. Pour ce faire, renforcer l’aide aux associations oeuvrant dans les quartiers, et permettre aux jeunes de davantage pouvoir bénéficier de stages.
Vie en société, éthique et religion
18. Trouver un moyen de réduire l’influence des médias dans notre société, qui, en fait, ‘font la pluie et le beau temps’ dans quasiment tous les domaines de la vie. Permettre au CSA de davantage jouer son rôle de régulation, de transparence et d’objectivité sur la façon dont les médias transmettent les informations qu’ils reçoivent, y compris dans leur appréciation des religions et de leurs prises de position, souvent ridiculisées ou stigmatisées.
19. Permettre au Comité national consultatif d’éthique de pouvoir davantage avoir un rôle de régulation dans le domaine éthique, de contrôle, pour éviter certains dérapages dangereux pour la vie en société dans des domaines comme l’avortement, l’euthanasie, la bioéthique, etc.
20. Dans le cadre de la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat, permettre aux Eglises chrétiennes de davantage pouvoir être prises en compte dans les grands débats de société, et leur permettre de faire entendre leur voix, aussi bien sur le message qu’elles transmettent que sur les valeurs qu’elles promeuvent.
Christophe Hahling
Pour aller plus loin…
Christophe Hahling, « Le prophète Amos : justice et piété pour aujourd’hui », dans : Collectif, Pauvreté, Justice et Compassion, Une foi pertinente pour notre monde, collection Le Défi Michée, Ed. Ligue pour la lecture de la Bible, Valence, 2009, p.15-26
Christophe Hahling, » Une justice pour restaurer », dans : Les Cahiers de l’école pastorale no.79, Croire Publications, Paris, 1er trimestre 2011, p.37-58.