500 ans des réformes – (Ré)formation de l’immigration ?

 Dans 500 ans des Réformes, Blog

Voici le 13e et dernier article de cette série d’articles en 2017, par Matthew Krabill qui, avec son épouse Toni, viendra travailler au Centre Mennonite de Paris en 2018 possiblement.

Les migrations sont l’un des véhicules les plus anciens de formation et de réformation. A l’occasion des célébrations autour des 500 ans de la Réforme, je voudrais montrer comment nous expérimentons tout à nouveau des transformations culturelles et religieuses massives déclenchées par l’immigration de masse.

D’un point de vue historique, on ne peut le nier : les migrations sont partie intégrante de la condition humaine. Depuis la nuit des temps, les êtres humains se déplacent pour diverses raisons : commerciales, matrimoniales, liées aux catastrophes naturelles, à la guerre… Plus important encore : lorsque des êtres humains se déplacent, ils apportent avec eux des idées, des convictions et des pratiques ; par conséquent, l’impact et les implications de tels mouvements, sur les individus, les communautés et les sociétés, peuvent être profonds.

Migrations et Bible

Les migrations sont inextricablement mêlées à la condition humaine et les chrétiens ne devraient pas en être surpris. En effet, la narration biblique fait s’entrelacer l’histoire de Dieu et celle du peuple de Dieu. La Bible évoque quasiment toutes les formes de migration, volontaire et involontaire. On y trouve des fugitifs (Jacob), des esclaves déplacés (Joseph), des victimes de la famine (les frères de Joseph), des travailleurs immigrés sans droit reconnu de résidence (Ruth), des réfugiés, des marchands, des envahisseurs, des prisonniers de guerre, des exilés et des rapatriés. Le missiologue Andrew F. Walls parle des motifs adamique et abrahamique, qui fonctionnent comme les archétypes principaux des migrations dans la Bible. Le motif adamique symbolise la destruction et la perte, comme Adam perd Eden, comme Caïn perd la sécurité d’un groupe et comme Israël perd pays, royaume et temple. Le motif abrahamique représente l’espérance et la rédemption ; Abram est appelé (et non expulsé) par Dieu hors d’Haran avec la promesse d’autres terres pour ses descendants. Très souvent, les deux motifs se combinent dans l’histoire de Dieu[1].

Dans le Nouveau Testament, les migrations et la mission de Dieu sont également liés de manière intrinsèque. L’événement de l’incarnation est une migration divine, par laquelle Jésus lui-même traverse de nombreux fossés et frontières (ciel/terre, divin/humain, etc.) pour s’établir sur terre et s’y installer dans un lieu appelé Bethléhem. A peine né, l’enfant Jésus et sa famille se retrouvent dans le rôle de réfugiés, obligés de fuir en Egypte à cause du régime de terreur mis en place par Hérode. Le ministère terrestre de Jésus est marqué par des expériences et des symboles de mouvements, de frontières traversées et de déplacements. Son ministère ne commence pas à Jérusalem, le centre reconnu de la foi juive, mais parmi des gens de passage autour de l’obscur village de Nazareth. Il déploie son ministère en Galilée, une région à la population variée, composée de marchands, de commerçants et d’immigrés, dont beaucoup sont païens.

Après la mort de Jésus, la persécution provoque une vaste dispersion, qui a, à son tour, des conséquences importantes. Il est vrai que les efforts de missionnaires itinérants ont conduit à la création de nouvelles communautés chrétiennes dans les villes des régions de Judée, de la Galilée et de la Samarie (Ac 10.22,34-38). Mais, suite à la persécution, les mouvements de migration non planifiés ont provoqué des développements importants et non planifiés pour la foi. L’impulsion missionnaire forte, enracinée dans le message de l’Evangile, catapulte une bande de disciples vers le monde méditerranéen et au-delà, pour y répandre la foi. Dès l’origine, la propagation de l’Evangile est liée à des réseaux de migrants ; ainsi, le début de la mission auprès des païens est marquée par l’action de réfugiés anonymes à Antioche (Ac 11.19-20). La naissance de Paul au sein d’une famille juive de Tarse, une ville qui était un carrefour commercial entre pays situés autour de la Méditerranée et de l’Asie mineure, a certainement contribué à sa compréhension cosmopolite du monde. Citoyen romain biculturel, Paul est le prototype du migrant traversant les pays ; versé en hébreu et en grec, il utilise les ports et les routes maritimes de la Méditerranée, accomplissant de grands voyages et communiquant avec diverses populations, dont beaucoup vivent en diaspora, dans des contextes culturels différents.

Au cours des siècles suivants, la foi chrétienne s’est répandue principalement par des réseaux commerciaux et de parenté, et par des mouvements de migration provoqués par la persécution et par d’autres moyens non officiels. En bref, dès l’Église primitive, les mouvements migratoires ont été une cause majeure du développement et du déclin du christianisme.

Migrations et Réforme

La place manque pour décrire les migrations à l’époque de la Réforme (et en particulier les migrations qui y ont conduit). Je ne ferai que de brefs commentaires.

Premièrement : en Europe, les nombreux défis lancés aux autorités civiles et ecclésiales ont entraîné perturbations et chaos, provoquant dispersion et exil. On ne peut guère comprendre la naissance de plusieurs de ces mouvements en dehors de l’expérience de la migration. Philip Marfleet démontre que la première communauté à être explicitement décrite à l’aide de la catégorie légale moderne de « réfugié » (qui donnera naissance au langage des droits de l’homme dès la moitié du 20e siècle) est celle des huguenots français. Selon Philip Marfleet, les huguenots « représentent le réfugié classique » de bien des manières et portent « toutes les caractéristiques du migrant involontaire de l’ère moderne[2]. » Les huguenots ont été persécutés politiquement pour leurs convictions et à cause de leur identité et ont ainsi été contraints de fuir ; pour des raisons morales et politiques, ils font fait la demande aux Etats voisins de les accueillir.

Deuxièmement : l’impulsion missionnaire et le message de la Réforme au sein de mouvements comme l’anabaptisme ont été transmis par des réfugiés religieux en fuite. Rassemblement interdits, discussions clandestines et lettres écrites en cachette ont été les principaux moyens de communication pendant cette période de profonde détresse. Des responsables d’Eglise comme Menno Simons ont vécu comme des réfugiés, déplacés de l’intérieur, contraints de penser, d’écrire et d’être en relation tout en se cachant. Beaucoup de communautés ayant survécu ont été forcées de s’enfuir vers des pays voisins où les contacts avec la population d’accueil ont conduit à la propagation de la Bonne Nouvelle. Ces nouvelles communautés fonctionnaient souvent grâce à des réseaux complexes reliés à leurs pays d’origine, et ces réseaux constituaient des moyens de soutien spirituel, de transmission de nouvelles familiales et d’aides ecclésiales mutuelles.

Les mennonites ne devraient pas être surpris par cette histoire. En fait, elle est comme un panneau indicateur de la mission de Dieu à l’époque moderne. Le mouvement anabaptiste au 16e siècle – comme beaucoup d’autres chrétiens en quête de liberté – porte en lui les motifs adamique et abrahamique : si la persécution et la violence ont provoqué d’immenses souffrances et des pertes, Dieu, en même temps, a utilisé ces bouleversements comme un moyen de créer des communautés de foi à travers l’Europe et au-delà, qui ont témoigné du règne de paix et de réconciliation voulu par Dieu.

La « Grande Migration »…

Un autre type de migration à l’époque de la Réforme doit être nécessairement mentionné : les déplacements d’Européens dès 1500, facteur déterminant d’une redéfinition de l’ordre mondial. A titre d’exemple, ce que l’on appelle « La Grande Migration » (1815-1925) représente le plus grand mouvement de population de l’époque moderne, lorsque 40 à 60 millions de personnes – dont beaucoup étaient des migrants économiques – ont quitté l’Europe pour l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine[3]. Pendant cette période, un Européen sur cinq a quitté le continent et s’est établi dans d’autres pays. Ce mouvement de masse, motivé par la conquête impériale et la découverte, a eu des conséquences imprévues à long-terme, qui ont non seulement eu un impact sur les sociétés non occidentales, mais ont aussi eu un effet de transformation des sociétés occidentales.

On ignore souvent que le mouvement missionnaire moderne (1815-1915) représentait une partie significative de la Grande Migration. Les premiers missionnaires mennonites pendant cette période, Pieter et Wilhemina Jansz, ont embarqué pour l’Indonésie en 1851, envoyés depuis l’Europe par la Société missionnaire mennonite néerlandaise. A l’époque, on ne trouve des mennonites que dans huit pays : Allemagne, Autriche, Canada, Etats-Unis, France, Pays-Bas, Russie, Suisse. Aujourd’hui, on en trouve dans plus de 60 pays, et parlant encore davantage de langues. Le centre de la foi mennonite aujourd’hui se situe démographiquement dans l’hémisphère Sud ; il y a ainsi davantage de mennonites en Tanzanie que sur l’ensemble du continent européen.

… et son mouvement inverse…

C’est une étrange coïncidence que le changement démographique et culturel au sein du christianisme mondial, du Nord vers le Sud, ait lieu en même temps que le mouvement inverse des migrations internationales, du Sud vers le Nord.  C’est important, car comme au cours des cinq derniers siècles, les mouvements de migration mondiaux rejoignent le mouvement qui part du centre de la foi chrétienne et de la source principale du mouvement missionnaire. Comme les migrations européennes depuis l’ancien centre du christianisme ont donné l’impulsion au mouvement missionnaire européen, les migrations phénoménales depuis le nouveau centre du christianisme en Afrique, en Amérique latine et en Asie ont galvanisé le mouvement missionnaire non occidental. Ce dernier mouvement fait de l’Ouest une nouvelle frontière de l’expansion chrétienne mondiale, ce qui représente un tournant dans l’histoire de la foi chrétienne[4].

Aujourd’hui, les Etats-Unis et l’Europe connaissent de grands changements provoqués par des mouvements de population. L’Europe est l’un des plus intéressants laboratoires pour examiner ce phénomène, en particulier parce que l’on en néglige les dimensions religieuses, et spécifiquement son lien avec le christianisme. Si l’Europe a connu divers degrés de sécularisation, elle a en même temps accueilli des vagues de migrants de l’hémisphère Sud dont la plupart sont très religieux. De plus en plus, des chrétiens d’Abidjan, de Bobo-Dioulasso et de Kinshasa vivent à Berne, Paris et Mulhouse et y ont trouvé des communautés de foi.

Christianisme africain en Europe

Voici quelques observations concernant le christianisme d’origine africaine en Europe :

1. La présence de chrétiens africains en Europe n’est pas nouvelle. Ce qui est nouveau dans les deux dernières décennies, c’est la prépondérance d’Eglises fondées par des Africains, et d’actions missionnaires portées par des Africains, souvent en lien avec des Eglises indigènes sur le continent africain.

2. Les médias ont mis les projecteurs sur les immigrés d’origine musulmane, en passant largement sous silence ceux d’entre eux qui s’identifient avec la foi chrétienne.

3. Même s’il semble plutôt « invisible » à beaucoup, le christianisme d’origine africaine représente une présence significative et dynamique du christianisme sur le continent européen. Par exemple :

a. En Angleterre, le Kingsway International Center de Matthew Ashimolow (KICC) est la plus grande Eglise de Grande-Bretagne.

b. En Ukraine, l’Église de 25 000 membres de Sunday Adelaja est la plus grande d’Europe, et la plupart de ses membres sont Ukrainiens.

c. La Redeemed Church of God in Christ (RCGC), fondée au Nigéria, compte des Eglises locales dans 160 pays, et plus de 330 en Europe[5]. Si vous faites une recherche sur Google « RCGC » et « France », vous trouverez plus de 25 Eglises locales ; neuf en Suisse et 25 en Italie.

d. En France, il y a plus de 300 Eglises africaines en région parisienne, dont la plupart sont de tendance néo-pentecôtiste.

La présence d’Eglises fondées par des Africains et la présence de chrétiens africains (des individus, des familles, etc.) en Europe pose de nouvelles questions à l’Église. La question que je voudrais poser est la suivante : « Que cela signifie-t-il pour les communautés chrétiennes en Europe ? », ou plus précisément : « Quels sont les nouveaux défis et les nouvelles possibilités auxquels les communautés anabaptistes-mennonites doivent faire face ? »

La mission « vers » les migrants

Il est peut-être superflu de dire que la manière de voir les immigrés forme notre approche du ministère et ses perspectives. Mais il est néanmoins important de commencer par la question suivante : « Comment nous, chrétiens non immigrés, voyons-nous et percevons les immigrés ? »

Alors que les identités nationales semblent devenir de plus en plus fragiles, l’aspiration à définir qui « nous » sommes est de plus en plus marquée ; les migrants sont alors vus comme des corps étrangers, face à qui une identité d’autochtones peut être réaffirmée. A l’extrême, la crise continuelle de réfugiés au sein de l’Union Européenne, combinée aux actes terroristes récents, particulièrement en France, conduit à une rhétorique selon laquelle les migrations se traduisent par une « forme barbare de guerre qui menace l’identité européenne[6]. » Selon Thomas Nail, « chaque réfugié et chaque migrant sont des terroristes potentiels, se cachant parmi une foule de migrants et chaque terroriste est un migrant potentiel prêt à envahir l’Europe. » Les deux figures, le migrant et le terroriste, ont été transformées dans le doublon virtuel de l’autre[7].

Dans ce climat radical, beaucoup d’Africains, quelles que soient leurs affiliations religieuses, sont d’abord accueillis avec suspicion ou traités comme « autres », jusqu’à preuve du contraire. Même si nous ne partageons pas explicitement ces a priori, beaucoup d’entre nous (y compris moi-même) avons tendance à voir implicitement les immigrés comme des gens pauvres, passifs et sans pouvoir, ayant désespérément besoin de notre aide. Il y a évidemment du vrai dans cet a priori : beaucoup d’immigrés habitent des lieux vulnérables et précaires dans la société, ce qui provoque leur marginalisation. Ils manquent de certaines ressources, de certains réseaux et d’accès à d’autres formes de ressources sociales qui facilitent l’intégration.

Mais le danger est le suivant : penser que nous devons faire de la mission « vers » les migrants. Ce faisant, nous courons le risque d’en faire des « objets » de la mission, au lieu qu’ils en soient les « sujets ». Si nous objectivons les migrants (chrétiens, musulmans ou autres), nous les déshumanisons en fonction de nos propres programmes, de nos stratégies et de nos initiatives, au lieu de développer de véritables relations de réciprocité. Même animés des meilleures intentions, nos actes de solidarité, d’hospitalité et de justice peuvent être interprétés comme quelque chose que nous faisons « pour » ou « vers » quelqu’un, et non « avec » ou « à côté ». C’est encore plus flagrant lorsque nous parlons de chrétiens immigrés comme d’un « champ de mission ».

De plus, cette posture nous place en position de pouvoir, qui tend à nous soustraire à la vulnérabilité et au besoin de réciprocité. Une des implications négatives de cette approche est de créer, souvent de manière non intentionnelle, un « complexe du petit messie », lorsque nous sommes les gardiens de leur bien-être.

Je propose plutôt de mettre les migrants au centre de la conversation, en commençant par cette question : « Que pensent-ils de nous ? »

Mission « par » les migrants

Si nous commençons par la question « Comment les migrants chrétiens nous voient-ils ? », nous plaçons les migrants au centre de la conversation. Nous créons ainsi de l’espace où poser la question de savoir à quoi la mission « par » les migrants ressemblerait.

Il est bien connu et avéré que l’Europe a connu un processus de déchristianisation. Ce que l’on sait moins, c’est que de nombreux chrétiens non occidentaux vivant en Europe voient le continent, y compris ses dénominations historiques, comme un champ de mission. Du point de vue de beaucoup d’Africains, d’Asiatiques et de Latino-Américains, ce ne sont pas seulement les sociétés sécularisées (par exemple la France) qui ont besoin de ré-évangélisation, mais les luthériens, baptistes et mennonites européens également.

Je suppose que l’idée de « l’Europe comme champ de mission » n’est pas nouvelle. Mais l’idée que les chrétiens européens, les Eglises, dénominations et structures missionnaire européennes, ont besoin de réveil, de renouveau ou de ré-évangélisation est peut-être choquante pour certains. Cela signifie qu’être « bénéficiaires de la mission » sera perçu comme un phénomène bienvenu par certains, alors que d’autres y réagiront avec perplexité, résistance ou en faisant preuve d’immobilisme.

Etre « bénéficiaires de la mission » implique, au fond, de renoncer aux diverses formes de pouvoir. Par exemple, les mennonites européens croient-ils vraiment que « Dieu a donné des dons à d’autres parties de l’Église, des dons dont nous avons besoin pour être complets » (1Co 12.1-27) ? Au premier abord, la réponse à cette question semble évidente : « Oui, bien sûr, chaque membre du corps du Christ est important. » Mais lorsque l’on aborde des questions sensibles, je suppose que la réponse est plus complexe.

Par exemple, les mennonites francophones d’Europe croient-ils que les mennonites congolais comprennent ce que le pacifisme ou la notion biblique de shalom signifient vraiment ? Que se passe-t-il lorsque la compréhension du pacifisme d’un mennonite congolais est différente de celle d’un mennonite français ? Ce dernier est-il prêt à reconnaître que d’autres ont le pouvoir et l’autorité de déterminer la réponse à la question ? Comment avoir des discussions ouvertes et transparentes où ces différences peuvent être abordées ?

Mission « avec » les migrants ?

Si nous reformulons le sujet en parlant de mission « avec » les migrants, la question posée devient alors : « Que pouvons-nous faire ensemble ? »

La création de nouveaux partenariats ecclésiaux repose sur la construction de relations. Au niveau local, je me demande ce que pourrait signifier le fait d’apprendre à connaître d’autres Eglises locales (africaines, multiculturelles ou autres) et leurs ministères dans nos voisinages, villages et villes. Cela demande un travail risqué et pourrait nous mettre mal à l’aise, ce qui se produit lorsque nous quittons nos zones de confort. Mais cela pourrait aussi porter beaucoup de fruits ! Que se passerait-il si des groupes de jeunes interagissaient ? Que se passerait-il si nous avions des temps de prière réguliers avec nos frères et sœurs ? Pourrait-on envisager un projet commun d’implantation d’Eglise entre une Eglise mennonite et l’une des douzaines d’Eglises congolaises récemment créées, comme mentionné ci-dessus ?

J’étais récemment en Côte d’Ivoire où le Réseau mennonite francophone participe à la création d’un institut anabaptiste-mennonite qui serait à disposition des communautés anabaptistes-mennonites en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord. C’est un partenariat encourageant, qui montre la volonté de différents membres du corps du Christ de s’engager à collaborer et à faire des sacrifices, pour participer à l’avancement du Royaume de Dieu. Comme pour tout partenariat, ce sera l’occasion de vérifier une notion biblique importante, à savoir le fait que Dieu a donné (ni plus ni moins) à chaque membre de l’Église des dons pour la construction du Royaume. Chaque chrétien souscrit en principe à cette affirmation. Mais dans le cadre d’un partenariat véritable fait de réciprocité et d’interdépendance, un engagement vers un objectif commun est souvent peu clair et paralysant, à cause des modes de communication différents, des pressions et des problèmes liés aux exigences quotidiennes des communautés concernées, à cause des déséquilibres de pouvoir – autant de formes d’obstacles.

Pour ceux d’entre nous qui sommes engagés au sein du Réseau mennonite francophone, nous prions que Dieu nous permette d’utiliser nos divers dons pour créer quelque chose de nouveau au service de l’Église de Christ !

Anabaptistes et pentecôtistes

Enfin, faire de la mission ensemble révélera différents types de différences, et en même temps, des domaines potentiels de nouveaux partenariats et de croissance. La rencontre des expressions européennes traditionnelles de l’anabaptisme et des expressions pentecôtistes/charismatiques nouvelles pourrait être particulièrement frappante. Ce n’est un secret pour personne que les nouveaux centres du christianisme dans l’hémisphère Sud sont « pentecôtisés ». Les communautés anabaptistes-mennonites n’échappent pas au phénomène. Cela signifie que les anabaptistes-mennonites au Burkina Faso, en République démocratique du Congo, en Indonésie et au Guatemala s’identifient fortement aux expressions pentecôtistes/charismatiques de la foi. De plus, en raison des migrations du Sud vers le Nord, ces formes de christianisme n’existent pas que sur le continent africain, mais aussi à Amsterdam, Berlin et Genève.

En conclusion, je voudrais proposer quelques questions concernant ces contacts entre anabaptistes et pentecôtistes.

– Les deux mouvements ont souligné l’importance de l’Ecriture comme leur source première d’autorité. Le mouvement de l’Esprit était partie intégrante de l’anabaptisme primitif. Menno Simons parle de « régénération spirituelle » peut-être davantage que de tout autre sujet. Que pourrait signifier pour les anabaptistes-mennonites le fait de se réapproprier la compréhension pentecôtiste/charismatique de l’Esprit et de s’y ouvrir ? Que pensons-nous du pouvoir spirituel, du combat spirituel, de la délivrance, des miracles, etc. ?

– La notion de shalom a été centrale pour le mouvement anabaptiste. Il en était de même du thème de la paix lors de la naissance du pentecôtisme. Comment le shalom et la Pentecôte pourraient-ils être explorés de manière créative, pour créer des ponts entre les deux mouvements ? Quelle compréhension commune de l’Esprit y a-t-il et quelles sont les différences qui édifient mutuellement ? Les pentecôtistes/charismatiques pourraient-ils voir la notion de shalom bibliquement et théologiquement fondée comme étant au coeur de l’Evangile ?

Matthew Krabill est doctorant au Fuller Theological Seminary à Pasadena, en Californie, où ses recherches se concentrent sur les mennonites immigrés d’origine africaine dans la région de Los Angeles. Avec son épouse Toni, ils font partie d’une Eglise mennonite congolaise. Ils se réjouissent de venir travailler pour le Centre Mennonite de Paris au cours de l’année 2018 possiblement.

 

Traduction de l’anglais : Michel Sommer

Notes

[1] Andrew F. Walls, « Mission and migration: the diaspora factor in Christian history », in : Journal of African Christian Thought 5 (2), 2002, p. 3-11.

[2] Philip Marfleet, Refugees in a global era, Houndmills, Basingstoke, Hampshire ; New York : Palgrave Macmillan, 2006, p. 102-105.

[3]     La Grande Migration est un terme technique utilisé au sein des études de migrations, pour décrire l’émigration européenne vers l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine. Il y a bien sûr eu des migrations internes à l’Europe ou vers l’Amérique du Nord, mais les mouvements d’Européens vers l’hémisphère Sud et vers l’Est dépassent largement les mouvements à travers l’Atlantique vers les Amériques.

[4]     C’est l’une des principales thèses du livre suivant : Jehu J. Hanciles, Beyond Christendom : Globalization, African Migration and the Transformation of the West, Maryknoll, Ny : Orbis, 2008.

[5] Voir RCGC Europe, http://www.rccgmainlandeurope.org

[6] Thomas Nail, « A Tale of Two Crises : Migration and Terrorism after the Paris Attacks », in : Studies in Ethnicity and Nationalism, 16 (1), p. 158.

[7] Ibid., p. 161.

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