Dieu s’est fait pauvre….
Les Évangiles de Matthieu et de Luc sont les seuls à parler de la naissance et de l’enfance de Jésus. Nous ne nous lassons pas, quand revient Noël, de relire ces évocations des bergers avec les anges, de l’enfant dans la crèche, des mages prosternés… Mais en dehors de ces récits, le Nouveau Testament ne nous dit rien, ou presque. Une phrase dans l’Évangile de Jean : « La Parole a été faite chair. » (Jn 1.14). Une allusion de Paul : « Lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme » (Ga 4.4). C’est peu, c’est pauvre…
Pauvre comme ce petit qui naît dans une étable, comme cet homme qui n’avait « pas un lieu où reposer sa tête » (Lc 9.58). Christ, « de riche qu’il était, s’est fait pauvre, pour nous enrichir de sa pauvreté » (2Co 8.9).
De Jésus, on connaît les derniers mois, et surtout la dernière semaine de son existence terrestre. La plus grande partie de sa vie reste pour nous des « années obscures » (R. Aron), dont nous ne savons rien.
RIEN- TOUT
L’apôtre Paul discerne dans ce défaut de connaissance, dans cet anonymat où s’est enfoui le Fils de Dieu, le cœur de la foi chrétienne : Jésus « s’est dépouillé » – littéralement : vidé de lui-même ou réduit à néant –, « devenant semblable aux hommes. […] Il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix » (Ph 2.7-8). Dieu, en son Fils, s’est fait rien pour nous donner tout !
DIEU INCOGNITO
La pauvreté de Dieu, en Jésus-Christ, n’est pas d’abord matérielle. Après tout, il n’était pas rare de naître dans une étable dans la Judée du 1er siècle. Et puis, Jésus avait des personnes qui s’occupaient de son entretien (cf. Lc 8.3). La pauvreté de Dieu, c’est aussi son incognito. « Dieu est puissance illimitée d’effacement de soi » (F. Varillon). Jésus naît comme d’autres bébés de familles humbles. Pour les gens de son village, il est le fils de Joseph, le charpentier (cf. Mt 13.55). Il meurt sur la croix, comme malheureusement beaucoup d’autres que Pilate a fait crucifier.
Dieu se cache, et c’est ainsi qu’il épouse notre humanité. « Il a voulu être chez nous et parmi nous. Il a voulu être ce que nous sommes. Il a été chair. […] Ce qu’il est et possède est caché aux yeux des hommes : sa puissance est voilée par l’impuissance, sa gloire par l’insignifiance, sa victoire par la défaite. […] Lui, le seul riche, est le plus pauvre de tous les hommes. […] L’homme Jésus a accepté d’exister dans la solitude, l’incompréhension et l’infamie qui sont la part de Dieu au sein du monde détaché de lui. » (K. Barth)
Les silences du Nouveau Testament suggèrent une lumière qui « brille dans les ténèbres » (Jn 1.5). Jésus est cet « Emmanuel – Dieu avec nous » annoncé par le prophète Ésaïe (Es 7.14). Et il en subit toutes les conséquences.
BONNE NOUVELLE
« Richesse en amour et pauvreté sont synonymes » (F. Varillon). La pauvreté du Seigneur va effectivement se révéler porteuse de ce que l’Évangile de Noël appelle une « bonne nouvelle » (Lc 2.10) : « Dans le Christ, Dieu est devenu nôtre et nous sommes devenus siens. » (Peter Riedemann, †1556)
Dans la crèche brille déjà la lumière de Pâques. La vulnérabilité de l’enfant annonce celle du jeune homme, cloué sur une croix, qui n’a plus que le cri de sa foi : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit ! » (Lc 23.46). Par cette foi, par ce cri d’abandon, Dieu peut régner et susciter une nouvelle naissance.
DIEU SUR TERRE
Hérode n’a pas tort de se méfier (cf. Mt 2.2ss) : le Roi du ciel vient sur la terre. L’anabaptisme a confessé cette réalité : son règne advient désormais dans la vie de croyants qui deviennent à leur tour capables de tout abandonner pour que Christ soit leur seul Seigneur. Sur les disciples de Jésus « règne un Roi spirituel qui les dirige par le sceptre sans défaut de sa bouche, c’est-à-dire, par son Saint-Esprit et par sa Parole ». Son Royaume abrite ceux qui vivent « dans l’amour et la paix ». (Menno Simons, 1496-1561)
En Christ, Dieu se fait pauvre pour vaincre notre misère. Il nous appelle à le suivre sur son chemin de pauvreté pour que nous apprenions de lui à être artisans de paix et de justice, et à combattre toute misère.