Les vocations de l’apôtre Paul

 Dans Christ Seul

Quand et comment Dieu nous appelle-t-il ? Il y a beaucoup à dire, sur ce sujet. Une chose essentielle que je tiens à souligner est que Dieu ne nous appelle pas qu’une seule fois : il revient nous voir, à certains tournants importants de notre vie, pour nous donner de nouvelles directions. Quand on parle de « vocation », on pense à quelque chose qui est fixé une fois pour toutes. C’est tellement ancré que, lorsque j’ai publié mon ouvrage sur la vocation, l’éditeur m’a demandé d’ajouter un sous-titre : « L’appel de Dieu, jour après jour ». Une vocation, en effet, n’est rien d’autre qu’un appel. Ceux qui ont fait des langues anciennes savent que l’on utilise le « vocatif » pour interpeller quelqu’un. Et nous savons tous ce qu’est un serveur vocal ou des vocalises.

On pourrait avoir l’impression, par exemple, que la vocation de Paul se résume au chemin de Damas. Lorsque Dieu s’adresse à Ananias, qui doit aller ouvrir les yeux de Saul, encore dans l’hébétude, il lui parle déjà d’un projet qui concerne les nations païennes (Ac 9.15). Mais dans un premier temps, Saul prêche dans les synagogues, dans la région de Damas (9.20). Et cela dure « un temps assez long » (9.23), en fait, entre deux et trois ans, puis il monte à Jérusalem (cf. Ga 1.18). Premier épisode.

VERS LES NATIONS PAÏENNES

Arrivé à Jérusalem, Paul est en butte à la méfiance des chrétiens qui l’ont connu persécuteur et à l’hostilité de juifs qui n’acceptent pas sa parole. Il faut cet obstacle pour qu’il soit disponible pour entendre autre chose. Et, dans le temple de Jérusalem, il tombe en extase. Dieu lui dit clairement de partir de là et d’aller « vers les nations païennes ». Paul le raconte lui-même vers la fin du livre des Actes (22.21). À ce moment-là, il part à Tarse et… on ne sait pas ce qu’il fait !

Luc donne, dans le livre des Actes, des repères historiques assez précis (en nommant des personnes qui occupaient des fonctions officielles à un moment donné, par exemple) et Paul lui-même donne quelques éléments chronologiques au début de l’épître aux Galates. Il se trouve que les deux comptages coïncident très bien. On découvre, ainsi, qu’il y a un trou de sept ou huit ans dans la biographie de Paul. On ne doute pas qu’il ait proclamé la Parole mais, apparemment, il est resté, pendant ce temps, dans la région de Tarse : période de formation, sans doute. Il ne faut pas oublier que, lorsqu’il s’est converti, il était « un jeune homme » (Ac 7.58).

BARNABAS LE MENTOR

Photo : Eddie Stigson

Alors, nouvelle étape de sa vocation, il faut que quelqu’un aille le chercher à Tarse pour qu’il se mette en route. C’est Barnabas qui, voyant les païens se convertir à Antioche, se souvient de Paul et va lui mettre le pied à l’étrier (11.25). À partir de là, Barnabas et Paul développent un ministère commun pendant quatre ou cinq ans. On apprend, à l’occasion d’une méprise des païens dans la ville de Lystre, que c’était Paul qui parlait. Mais les païens avaient bien perçu quelque chose : ils considéraient Barnabas comme le dieu suprême (Zeus) et Paul comme le messager (Hermès) (14.12). D’une manière plus prosaïque, on dira que Barnabas donnait confiance à Paul en le rassurant par son autorité.

À ce moment-là, Paul n’a pas encore écrit une ligne (rien que l’on ait conservé, en tout cas) et les voyages de Paul et Barnabas se cantonnent à l’Asie Mineure. Mais voilà que, suite à un différend, il se sépare de son mentor (15.39-40). Et là Paul commence à tourner en rond, empêché par « l’Esprit de Jésus » d’aller là où il voudrait. Il se retrouve coincé à Troas : il n’a plus que la mer en face de lui. On retrouve le même schéma qu’à Jérusalem : un obstacle qui crée l’ouverture et une parole de Dieu qui surgit, cette fois-ci, en rêve. Paul, 16 ans après sa conversion, près de 20 ans après la résurrection du Christ, passe en Grèce.11

FIN DU VOYAGE

Alors s’étendent les années les plus fécondes et les plus actives de sa vie. Il commence à écrire des lettres pour assurer le suivi de son travail dans les Églises. En six ou sept ans, il écrit : 1 et 2 Thessaloniciens, 1 et 2 Corinthiens, et les épîtres aux Romains et aux Galates !

Puis Dieu l’avertit qu’il va connaître « chaînes et détresses » (20.24). De fait, il est arrêté dans le Temple à Jérusalem. Une nouvelle phase commence. Il ne peut plus voyager. Il écrit beaucoup moins. Il moisit en captivité environ deux ans, avant d’être emmené sur un bateau à Rome.

Et là, ultime vision, alors qu’il est pris dans la tempête en plein milieu de la Méditerranée, Dieu lui dit qu’il l’utilisera à Rome : « Il faut que tu comparaisses devant l’empereur »(27.23). Et le livre des Actes se termine alors que Paul est assigné à résidence et qu’il proclame le Règne de Dieu à tous ceux qui viennent le trouver (Ac 28.16 et 30-31).

Les vocations de Paul relèvent parfois de la formation, du mûrissement. Plus souvent, elles interviennent alors qu’il est dans une impasse et que Dieu lui ouvre une nouvelle voie. Mais Dieu, c’est ce qui me frappe, intervient toujours en situation, par rapport au contexte et aux enjeux du moment. Il trace à Paul sa route, pas à pas. Il lui donne des horizons généraux et il lui donne également des orientations à court terme.

Et voilà comment sont nos vocations, à nous aussi.

Pour aller plus loin…

Frédéric de Coninck, La vocation – L’appel de Dieu, jour après jour, Lyon, Olivétan, 2009, 168 p.

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