Éthique des entreprises : tous concernés

 Dans Christ Seul

Le 29 novembre 2020, le peuple suisse a voté sur l’initiative « multinationales responsables ». Cette initiative, lancée en 2016 par une large coalition d’ONG, avait pour objectif de permettre, en cas de violation des droits humains ou de destruction de l’environnement à l’étranger, de poursuivre devant la justice suisse des multinationales ayant leur siège en Suisse. Ceci aurait permis d’éviter que certaines entreprises continuent à profiter de la situation de pays ne disposant pas d’une justice fonctionnelle. Ces entreprises « moutons noirs » auraient pu ainsi être tenues responsables lorsqu’elles contaminent des cours d’eau ou recourent au travail des enfants.

ENGAGEMENT CITOYEN

L’initiative a bénéficié d’un soutien très large avec le ralliement de nombreuses personnalités de gauche comme de droite, ce qui est assez rare en Suisse. De plus, les chrétiens ont fait preuve d’unité puisque les Églises catholiques, protestantes et le réseau évangélique ont apporté leur soutien. Un énorme élan de la société civile a accompagné la campagne de votation. J’ai eu le plaisir de faire partie des 7000 bénévoles engagés en faveur de l’initiative. C’est la première fois qu’il y avait une mobilisation citoyenne aussi forte.

Cette initiative était pour moi complètement alignée avec mes valeurs chrétiennes. En effet, Dieu nous encourage à exercer la justice envers les plus faibles, comme par exemple à travers la bouche du prophète Esaïe : « Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, protégez l’opprimé, faites droit à l’orphelin, défendez la veuve ! » (Es 1.17). De plus, Dieu nous met en garde contre les richesses injustement acquises : « Le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs et dont vous les avez frustrés crie, et les cris des moissonneurs sont parvenus jusqu’aux oreilles du Seigneur de l’univers. » (Jc 5.4)

LA POPULATION SENSIBILISÉE

Stand au marché de Carouge (GE) en juin 2019. Crédit photo Elisabeth Baecher

Le but de l’initiative était de permettre que les entreprises soient rendues responsables de leurs actes. Il n’est pas acceptable que nous bénéficiions en Suisse de richesses engrangées sur le dos de nos « prochains » du Sud. Pendant deux ans, au sein du groupe local de Carouge, j’ai eu l’occasion de participer à différentes actions de sensibilisation, comme la recherche de signatures de pétitions ou la tenue de stands d’information au marché. J’ai été très touchée par l’attitude générale des gens rencontrés dans ce cadre qui étaient, dans la grande majorité, très ouverts à nos arguments. Une des actions les plus visibles de cette initiative a été de proposer aux gens d’accrocher un drapeau orange à leurs fenêtres ou balcons pour signifier leur soutien. À la fin de la campagne, plus de 30 000 drapeaux étaient visibles dans toute la Suisse. Pour notre famille, c’était presque devenu un jeu à qui trouverait le plus de drapeaux.

L’IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE

Bien que je sois active au sein de ChristNet depuis des années, c’était la première fois que je participais aussi activement à une campagne politique. Et c’était aussi le cas de beaucoup de bénévoles. Les gens du comité de Carouge venaient de multiples horizons et ça a été très enrichissant de militer ensemble.

Le Covid est malheureusement venu jouer les trouble-fête et nous avons vécu une fin de campagne un peu bizarre, dans la mesure où beaucoup d’événements ont dû être annulés. J’ai eu l’impression de ne pas pouvoir finir correctement la campagne. Il était frustrant de rester à la maison et d’assister de manière un peu impuissante au matraquage de contrevérités, sur cette initiative, par les milieux économiques.

MAJORITÉ DES VOIX, PAS DES CANTONS

Dès les premières heures de résultats, le dimanche 29 novembre, il était assez clair que nous n’aurions pas la majorité des cantons (l’initiative, qui demandait un changement de la Constitution fédérale, devait obtenir la double majorité du peuple et des cantons pour être acceptée). Nous avons tout de même obtenu la majorité du peuple, 50,7 % des électeurs ayant voté pour le texte. C’est quand même une petite victoire de penser que la majorité des Suisses nous ont soutenus. Évidemment, cela a été une grosse déception, car vu de Genève, nous avions l’impression que l’initiative n’aurait aucun mal à passer.

Malgré tout, l’approche favorisant l’inclusion forte de la société civile dans la campagne au travers de pas moins de 450 groupes locaux a permis de rendre les thématiques de responsabilité des entreprises et de justice envers les peuples du Sud très visibles et un vrai débat a pu être lancé au sein de la population. Ce fort soutien bénévole reste un des aspects les plus marquants de cette votation. Même si l’initiative n’a pas été acceptée, le sujet est maintenant sur la table et, si cette fois n’était pas la bonne, je suis convaincue qu’une législation digne de ce nom devra être adoptée tôt ou tard par la Suisse. Nous avons manqué une occasion d’être des précurseurs en Europe. Cependant le mouvement est déjà en marche car l’Union européenne devrait se doter dans les prochaines années d’une législation similaire à ce que demandait l’initiative. J’espère que la Suisse ne tardera pas à suivre.

 

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