La multiplicité des langues : bénédiction ou malédiction ?

 Dans Christ Seul

Le problème posé par la diversité des langues dans nos assemblées mennonites a quelquefois été « très chaud » ! L’allemand fut longtemps la langue sainte, la seule qui permettait une vraie transmission de la Parole de Dieu. Le passage de l’allemand au français pour les assemblées qui se trouvaient en zone francophone a été long et laborieux, source de tensions entre les assemblées, et même au sein des familles. Ce n’est plus vraiment un problème aujourd’hui, mais il se repose à nouveaux frais. Une sœur congolaise me disait, il y a quelques années, qu’en arrivant dans notre assemblée à Châtenay-Malabry et en entendant lire la Bible en français, elle s’est demandé si c’était la même Bible que la sienne, toujours lue en swahili. Il lui a fallu, comme à beaucoup d’autres, un énorme effort pour recevoir la Parole de Dieu en français, et surtout prier dans cette langue. Si l’on n’a pas vécu cette expérience, on ne peut se rendre compte de la gravité de la situation.

BABEL

La Tour de Babel vue par Pieter Brueghel l’Ancien au 16e siècle. Crédit Wikipédia.

Oui, ce qui s’est passé lors de la construction de la Tour de Babel (Genèse 11) a été une vraie malédiction que l’humanité traîne avec elle depuis lors. Pourtant l’intention des bâtisseurs paraissait bonne : « Faisons-nous un nom pour que nous ne soyons pas dispersés sur la surface de toute la terre ! » C’est tout le problème de l’unité de la race humaine, loin des guerres, des jalousies, du désir de dominer, d’écraser les autres. On se comprend, on s’aime, on fait des choses ensemble. Ah ! « Si tous les gens du monde voulaient se donner la main… »

Mais Dieu, lui, ne l’a pas voulu. Comment pouvons-nous le comprendre, nous qui militons pour la non-violence, le pacifisme, l’amour au-delà des différences, la communauté universelle ?! Alors, regardons le texte de plus près. « Ils dirent : Allons, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel » (v.4). Pourquoi si haut ? « Faisons-nous un nom ! » Le sens du nom Babel est ambigu. En langue locale, il signifiait « Porte » (bab) « de(s) dieu(x) » (el). Il y a là plus qu’un désir d’unité et d’harmonie : il fallait bâtir une tour pour se faire un nom, une ville pour rester ensemble, en autonomie totale. Il fallait atteindre le ciel, se faire dieu en quelque sorte. Nous avons là un archétype de toutes les civilisations plus ou moins brillantes qui ont eu l’ambition de dominer le monde. Dans la Bible, Babylone est de triste mémoire. Cette ville, et ses ziggurats qui tentaient d’atteindre le ciel, était la plus forte puissance du monde antique et faisait trembler tout le Moyen Orient. Sa chute, décrite en des termes saisissants en Apocalypse 17 à 19, est une immense délivrance qui précède la chute définitive des forces du mal. Babel pourrait venir d’une racine hébraïque qui veut dire « confusion ». Un coup d’arrêt, en somme, à la folie humaine. Dans ce sens, la confusion des langues est plutôt une bénédiction.

PENTECÔTE

Mais alors, pourquoi le miracle de la Pentecôte, cet « anti-Babel » où les barrières des langues ont été franchies, comme signe des temps nouveaux qui s’ouvraient par la puissance de l’Esprit saint ? (Ac 2.5-13). Ne nous emballons pas. Cela n’a été qu’un miracle ponctuel, donc un signe, un signe qui pointe vers une réalité nouvelle qu’il veut nous faire découvrir : désormais, en Christ, les barrières raciales, culturelles, sociales tombent (Ga 3.26- 29). La nouvelle naissance par la foi fait de tous les disciples du Christ des frères et des sœurs d’une même famille. Les murs (notamment celui de la haine raciale : Ep 2.11-18) tombent. Ils acquièrent même une nouvelle citoyenneté (Ep 2.19). Quelle bénédiction !

LA RÉALITÉ

Hélas ! La réalité de la vie de nos communautés n’est pas si enthousiasmante que cela. On se tutoie, on se sourit, on parle apparemment la même langue, et pourtant on fait bien la différence entre les « natifs » et les « étrangers ». Une langue, ce ne sont pas que des paroles, c’est un monde, une culture, une façon de penser et d’agir. Comprendre plus ou moins ce que l’autre dit ne suffit pas. Il faut bâtir la communauté avec la diversité des « langues », et cela demande de la persévérance, du travail et des compétences, comme en témoigne la fin de notre fameux passage d’Éphésiens 2.12-22 : « En Christ, tout l’édifice, bien coordonné, s’élève… » (v.21)

Une question pour terminer : quelle langue parlera-t-on au ciel ? La réponse de l’Apocalypse est étonnante : toutes les langues (Ap 7.9-12). Toutes les cultures avec leurs richesses y seront représentées (Ap 21.24-26). Et pourtant ce sera le ciel ! Voilà qui donne à réfléchir.

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