Les artisans de paix anabaptistes forment un réseau
Des organisations anabaptistes de tous pays échangent et collaborent au sein du nouveau Réseau anabaptiste mondial pour la paix. Rencontre avec son coordinateur, Andrés Pacheco Lozano.
Bonjour Andrés, peux-tu te présenter et nous dire un peu comment est né le Réseau anabaptiste mondial pour la paix ?
Je m’appelle Andrés Pacheco Lozano, je suis né en Colombie et je vis actuellement à Amsterdam où je travaille avec le Séminaire mennonite néerlandais (Doospgezind Seminarium). Je suis aussi le coordinateur du nouveau Réseau anabaptiste mondial pour la paix (Global Anabaptist Peace Network, GAPN).
Ce réseau est un rêve de longue date. Après différentes tentatives de lancement, l’élan déterminant a eu lieu en Pennsylvanie en 2015. Nous avons reçu des fonds, nommé un coordinateur et un comité de pilotage, et ce comité s’est réuni pour la première fois au Kenya en 2018. Le GAPN a été officiellement lancé lors de la 2e Conférence mondiale mennonite sur la paix aux Pays-Bas, en juin 2019. Une demande officielle a alors été faite à la CMM pour que le GAPN soit considéré comme un nouveau réseau. Cette démarche est toujours en cours. Depuis 2021, des organisations du monde entier s’inscrivent dans le réseau émergent. Nous rêvions de nous rencontrer en présentiel en Indonésie, mais les restrictions Covid nous ont amenés à nous retrouver en ligne.
Le GAPN s’est réuni pour la première fois en ligne avant le rassemblement en Indonésie, avec un webinaire. De quoi avez-vous parlé ? En quoi le travail pour la paix (ou les préoccupations liées à la paix) est-il similaire ou différent à travers le monde ?
Le thème du webinaire était « Devrais-je rester, ou partir ? ». Nous avons essayé d’inviter des personnes de différentes régions à considérer cette question à la lumière de leur propre contexte, de leurs dilemmes et de leurs expériences. Ce fut un moment très enrichissant. Pas parce que le thème est facile ou parce que nous sommes tous du même avis, mais plutôt parce que c’était une grande chance de se rencontrer et de réfléchir ensemble à ce que cela signifie de travailler pour la paix et de chercher à témoigner de la paix.
Les organisations qui font partie du GAPN sont variées. Des ONG aux centres de recherche, des ministères d’Églises aux œuvres, il existe de nombreuses initiatives et différents domaines de travail en rapport avec la paix. C’est en grande partie ce qui rend le GAPN si spécial.
Alors que différentes voix venant de Colombie, du Honduras, des États-Unis et des Philippines s’exprimaient sur la question « Devrais-je rester, ou partir ? », nous avons vu qu’elle avait des implications différentes dans chaque région. Les questions d’identité, les terres ancestrales et la sagesse des autochtones, la migration pour protéger la vie, ou encore le fait de rester pour témoigner de la paix, sont autant d’expériences et de moyens par lesquels le thème a été abordé.
Je pense que, plus que jamais, nous devons examiner attentivement les défis et les manières particulières dont le témoignage de la paix s’incarne spécifiquement dans chaque contexte. Plus que de proposer une approche globale, le GAPN crée un lieu où différentes visions de la paix entrent en discussion. Ce lieu d’échanges est aussi un lieu d’apprentissage, car les participants sont inspirés et mis au défi par d’autres visions de la paix, mais ils sont aussi invités à se pencher sur leur propre vision de la paix de façon critique. J’y vois là une approche décoloniale intentionnelle, qui examine de manière critique la façon dont certaines visions de la paix ont été présentées par des organisations ou des partenaires, et comment elles ont été assimilées dans différents contextes. Il est nécessaire d’avoir des lieux pour réfléchir et décoloniser nos propres conceptions de la paix.
Qu’espères-tu pour le GAPN ? Comment est-ce que tu le vois grandir, qu’est-ce que tu le vois devenir ?
Une partie cruciale de la consolidation du réseau est l’engagement dans des initiatives et des thèmes concrets, c’est ce que nos membres ont dit. En tant que réseau, nous avons été encouragés à concentrer notre attention chaque année (du moins en principe) sur la création de lieux de réflexion et de ressources en relation avec des thèmes concrets. Nous avons reçu différentes suggestions de sujets clés. Par exemple, la crise climatique et la paix, le conflit entre différentes approches de la paix, l’éthique de l’hospitalité et la diaspora ou l’exil. J’espère que le réseau émergent du GAPN réussira à achever le processus pour devenir un vrai réseau de la CMM. Dans le cadre de ce processus, j’espère que davantage de groupes deviendront membres du GAPN.
J’espère que le GAPN deviendra véritablement un lieu permettant aux organisations pour la paix d’inspiration anabaptiste-mennonite de se rencontrer, mais aussi de s’inspirer les unes les autres, d’apprendre les unes des autres et de se remettre en question les unes les autres. J’ai confiance qu’en retour, le réseau va enrichir les visions et les compréhensions de la paix. Il peut également devenir une grande ressource pour les communautés et les Églises anabaptistes-mennonites.
ANDRÉS PACHECO LOZANO
coordinateur du GAPN
Propos recueillis par Salomé Haldemann