Le voyage de l’eunuque éthiopien

 Dans Christ Seul

En 1841 fut créée la première agence de voyage et, depuis, elles ne cessent de fleurir. Aujourd’hui, si les finances le permettent, tout le monde veut voyager. Mais dans quel but ? Se reposer, se dépayser, faire la fête, se changer les idées ? Il y a tant de raisons différentes qui expliquent cette soif. Et il arrive parfois qu’elle soit spirituelle, comme dans cette histoire racontée par le Nouveau Testament, d’un eunuque éthiopien qui a fait un long voyage au sens littéral et spirituel du terme. Le récit se trouve en Actes 8.26-40.

HAUT PERSONNAGE

D’emblée nous sommes surpris par la quantité d’informations données sur ce personnage : c’est un homme, un eunuque, éthiopien, haut fonctionnaire de l’État, employé de la reine Candace, gestionnaire de ses trésors. Il sait lire, il est venu à Jérusalem pour adorer Dieu, il voyage assis. Pourtant, malgré ce flot de données, son identité reste mystérieuse : qui est vraiment cet homme pour que Luc mette autant de soin à le décrire ? Lorsque nous nous arrêtons au texte pour le découvrir, des ambiguïtés apparaissent.

Il vient « adorer à Jérusalem ». Est-il donc « un craignant-Dieu », « un prosélyte », « un juif d’Éthiopie » ? Sans entrer dans toutes les nuances et subtilités, il est difficile de trancher de façon absolue. Mais dans tous les cas, nous pouvons affirmer qu’il n’a pas été pleinement accueilli à Jérusalem, car il ne fait pas complètement partie du peuple de Dieu. Il se situe dans une sorte d’entre-deux.

IMPUR

Le Baptême de l’eunuque, Rembrandt, 1626

Le texte nous dit que c’est un eunuque, mais là encore, le qualificatif est flou. En effet, il peut autant désigner un haut fonctionnaire de la cour – ainsi Potiphar (Gn 39.1) –, qu’un homme castré, sens qui est le plus usuel dans les Écritures. Compte tenu du fait qu’il est l’employé d’une reine d’Éthiopie, certainement que cet homme est à la fois haut fonctionnaire et castré. Aussi l’entrée du Temple lui est-elle refusée (Dt 23.2) du fait de sa mutilation. En effet, les personnes ayant subi des mutilations génitales étaient considérées comme impures et ne pouvaient donc pas faire partie de l’assemblée du peuple de Dieu.

À l’ambiguïté vient s’ajouter l’ambivalence, et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. En effet, le terme « Éthiopien » a deux sens. Il désigne un habitant de l’antique Nubie (Soudan actuel) qui se situe le long du Nil. Littéralement « Éthiopien » signifie « face brûlée », qualificatif qui désigne aussi beaucoup plus largement le Noir africain. Là encore plane un doute, une dualité, la place des « Noirs » n’ayant pas été simple non plus dans le judaïsme, voire dans le monde gréco- romain.

MALAISE

À travers ce voyage autour de l’identité de cet homme, nous pressentons mieux son malaise identitaire. Il est à la fois un homme digne et humilié, un haut fonctionnaire et un castré impur aux yeux du peuple de Dieu. En effet, il vient à Jérusalem pour adorer un Dieu qui ne lui permet pas d’entrer dans sa présence. Son identité ambiguë et ambivalente fait de lui un exclu ; partout où il va, il n’est qu’une moitié. De fait, certainement que son séjour à Jérusalem n’a pas été aussi réjouissant qu’il l’aurait espéré et qu’il retourne chez lui ébloui par ce pèlerinage, mais frustré de ne pas avoir été pleinement intégré.

C’est sur le chemin du retour et dans ce contexte susmentionné qu’intervient Philippe. Le choix de Dieu n’est pas anodin : Philippe n’est-il pas celui qui a déjà été à l’initiative de l’annonce de l’Évangile aux Samaritains, peuple ni tout à fait juif, ni tout à fait païen ? C’est à partir du texte d’Ésaïe qui parle d’un serviteur souffrant et rejeté que Philippe révèle à l’Éthiopien, non seulement l’identité de ce personnage, mais également toute l’œuvre et la mission de Jésus, le Messie.

ENFANT DE DIEU

L’eunuque est ébranlé par cet Évangile. Il y découvre un Dieu qui a fait quelque chose pour lui, un Dieu qui rassemble, qui inclut. Le haut fonctionnaire n’a aucune hésitation et demande le baptême : il veut appartenir à Jésus. Philippe, inspiré par l’Esprit et saisi par le grand projet de Dieu, n’hésite pas à le faire. Par cette action, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, il atteste le salut reçu, l’adoption réalisée ; dorénavant, il a une place pleine et entière dans la communauté de Dieu. Cet homme a enfin une identité unifiée et peut repartir joyeux et en paix.

Voici le récit d’un voyage littéral et spirituel qui a mené un homme au cœur de son trouble identitaire pour y rencontrer, le long d’une route déserte, un Dieu incroyable et un serviteur proche de ce Dieu. Sa vie n’a plus jamais été la même.

 

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