L’apport original de Calvin

 Dans Christ Seul, Explorer

En cette année qui marque le 500e anniversaire de la naissance de Jean Calvin, CHRIST SEUL propose une réflexion en deux volets sur ce Réformateur : ce mois, un article qui fait l’éloge de sa pensée, le mois prochain un article plus critique…

L’originalité de Calvin, c’est de n’en pas avoir ! Le paradoxe exagère bien sûr, mais, une fois émondé, il signale une vérité qui reste surprenante : de tous les « grands » que l’histoire a reconnus (et l’on parle couramment de Calvin comme « créateur de civilisation »), le Réformateur français est celui qui a le moins « poussé » une idée propre, le moins cherché à tout déduire d’une intuition personnelle. On le lui a reproché ! Mais la question se pose avec d’autant plus d’acuité de la magnitude de son rôle historique.
La chronologie explique pour une part la moindre originalité : Calvin (1509-1564) est un homme de la seconde génération. Il n’a que huit ans quand Luther affiche les 95 thèses ! Calvin recueille l’héritage des deux commencements de la Réformation, de Wittenberg et de Zurich, sans parler du mouvement évangélique français et de la formation strasbourgeoise à l’ombre de Bucer. Mais, justement, les héritiers, qu’on voit souvent comme des « épigones », ne bénéficient en général que des miettes de la gloire des pionniers. Que s’est-il passé pour que Calvin fasse figure de deuxième « grand » de la Réforme ?

LA BIBLE, RIEN QUE LA BIBLE

Si Calvin paraît un penseur peu original, c’est qu’il est d’abord un bibliste, au sens de spécialiste de l’étude biblique doublant le croyant en l’Ecriture seule, Parole de Dieu (on disait biblien en ce temps-là). Calvin est d’abord exégète-prédicateur. Calvin est original par son effort, unique en son temps et pour longtemps encore, pour serrer le sens objectif, « vrai et naturel », du texte, avec les outils de la philologie humaniste (langues originales, contexte historique) ; il se garde autant qu’il peut de projeter sur lui sa théologie – un luthérien l’attaquera comme « Calvin judaïsant » à cause de son respect du contexte dans l’Ancien Testament. L’originalité est donc renoncement à être origine. Elle est tentative méthodique pour renoncer à l’originalité propre et s’effacer devant la Parole. Mais l’exégèse de Calvin ne s’enferme pas pour autant dans l’antiquité pour érudits. Elle est celle d’un prédicateur : ses commentaires « scientifiques » gardent le souci de l’application édifiante, autant que ses sermons se fondent sur l’exégèse ; le discernement, l’explication et la synthèse servent directement la construction de l’Eglise. La compétence et la vigueur applicatrice de l’oeuvre de Calvin ont à ce point surclassé toute autre qu’elle est restée l’expression la plus solide et fructueuse de la foi « réformée » – d’où l’importance qu’on lui a reconnue.

VÉRITÉS ANTAGONISTES

On peut estimer que la situation historique de Calvin a, dès lors, constitué un avantage. Le séisme de la Réformation a été si puissant qu’il a fallu deux générations, avec une phase de reconstruction succédant à la démolition et au déblaiement. « La trompette de Luther a fait crouler les murs de Babylone, écrivait Emile Doumergue. La truelle de Calvin a rebâti les murs de Sion. »
Le respect des textes, si divers, conjugué à la conviction (essentielle pour la foi chrétienne) de la cohérence des Ecritures, Parole inspirée par le seul Dieu, conjugué aussi à la puissance d’une intelligence logique, donne une physionomie « originale » à la doctrine de Calvin : s’il l’expose comme un tout lié, s’il refuse les contradictions (car Dieu ne peut se renier lui-même), il ne résout pas les « dualités » scripturaires dont les termes sont difficiles à penser ensemble. Là où beaucoup s’attachent à l’un des termes et escamotent l’autre, Calvin met toute son énergie à « gérer » la tension correspondante. On a caractérisé sa théologie comme un « complexe d’oppositions » ; Doumergue parlait de « contrariétés ». Comme nous bougeons le bras grâce aux « muscles antagonistes », je propose « vérités antagonistes », auxquelles Calvin veut faire droit.

ET… ET…

Les exemples ? On en trouverait dans la synthèse l’Institution [Instruction] de la Religion chrétienne, pour Calvin « somme de piété » (non de théologie) et guide pour la lecture de la Bible, comme ailleurs. Sur l’Ecriture, le biblicisme de Calvin s’associe au sens de la transcendance divine : Dieu balbutie avec nous, « parle bébé » comme une nourrice. L’accent sur la souveraineté divine n’empêche pas un rappel incessant de la responsabilité humaine. La prédication du « tout-accompli », de la rédemption, s’associe à un appel à l’appropriation, par une démarche de foi. La vérité de la justification par la foi seule s’accompagne de la sanctification qui est même développée en premier. Si Calvin n’a pas fléchi sur l’Eglise invisible, dont seuls sont membres les régénérés, et dans l’Eglise visible même attendait de tous les adultes qu’ils confessent la foi, il a valorisé l’institution et l’a imposée à toute la population (comme en Israël).
Calvin n’a pas toujours réussi. Son ecclésiologie est discutable ! Mais la voie, étroite, qu’il a frayée, respect des antagonismes bibliques, est pour nous aussi « voie par excellence. »

 

SUR L’ÉCRITURE SAINTE
« C’est la lumière qui nous adresse [dirige], ou la lampe qui nous éclaire au milieu des ténèbres de ce monde, afin que nous ne choppions pas à tant de scandales qui sont alentour de nous, comme pauvres aveugles : et qui pis est, que ne trébuchions à chaque pas. C’est l’école de toute sagesse, voire sagesse surmontant tout entendement humain, et que les Anges mêmes ont en admiration. C’est le miroir auquel nous contemplons la face de Dieu, pour être transfigurés en sa gloire. C’est le sceptre royal, par lequel il nous gouverne comme son peuple, et la houlette, laquelle il nous donne pour enseigne qu’il nous veut être Pasteur. C’est l’instrument de son alliance qu’il a faite avec nous, passant obligation volontaire par sa bonté gratuite, d’être conjoint avec nous d’un lien perpétuel. C’est le témoignage de sa bonne volonté, par lequel nous avons repos en nos consciences, sachant où gît notre salut. C’est la pâture unique de nos âmes, pour les nourrir à la vie éternelle. »
JEAN CALVIN, PRÉFACE DES ANCIENNES BIBLES GENEVOISES, CALVINI OPERA 9,823

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